Les couleurs du piano

Signalons d’emblée l’excellent label La Dolce Volta, dont le piano est la spécialité, avec la musique de chambre. Récemment sont parus des enregistrements de pianistes légendaires comme Menahem Pressler (« Une soirée viennoise », avec des œuvres de Schubert, Mozart et Beethoven, et, autre CD, un récital de sonates de Mozart), qui prennent naturellement leur place à côté des enregistrements tardifs du regretté Aldo Ciccolini, dont cet éditeur a eu l’exclusivité (Mozart, Chopin).

Parmi les enregistrements de jeunes pianistes pour La Dolce Volta, on conseille l’intégrale chronologique de l’œuvre pour piano seul de Brahms par le jeune Geoffroy Couteau, une personnalité d’une grande maturité avec laquelle il faudra compter (1 coffret de 6 CD). Trois autres interprètes se distinguent également dans ce catalogue : Philippe Bianconi, avec trois enregistrements consacrés à Chopin, Debussy et Schumann ; Wilhem Latchoumia, avec un formidable récital consacré à Manuel de Falla et un passionnant florilège de transcriptions pour le piano d’œuvres de Wagner ; et Roger Muraro, avec un CD Liszt d’une maturité confondante.

Autre grand interprète de Brahms, François-Frédéric Guy, qui joue les trois Sonates de Brahms (2 CD Evidence). Deux versions concurrentes du cycle « Les Saisons » de Tchaikovsky : l’une par le pianiste Jonas Vitaud, un des piliers du festival de Deauville (1 CD Mirare) ; et celle, pour laquelle on a un faible, d’Elena Bashkirova*, avec l'« Album pour enfants » opus 39, qui fait un bel ensemble (Deutschlandfunk/Gideon Boss).

Lucas Debargue, qui fut la sensation au dernier concours Tchaïkovski de Moscou, publie son deuxième album chez Sony, consacré à Bach, Beethoven et Medtner : un très beau parcours, avec une intelligence musicale exceptionnelle. Non moins surdoué, le Britannique Benjamin Grosvenor publie chez Decca un superbe CD thématique, « Homages », avec des oeuvres de Bach-Busoni, Franck, Chopin, Liszt et Mendelssohn. Une des meilleures parutions de 2016.

Du côté des Russes

Honneur aux Russes, enfin, avec chez Deutsche Grammophon la première édition d’un récital inédit du géant Emil Guilels (1916-1985) donné en 1964 à Seattle. Avec une « Sonate n°21 » de Beethoven hallucinante par ses prises de risques et sa force tellurique, et un « Prélude en si mineur » de Bach, dans la transcription de Siloti, qui arracherait des larmes aux pierres !

Le géant actuel du piano russe, dans la lignée de Guilels et même Richter, s’appelle Grigory Sokolov. C’est peut-être le seul pianiste pour lequel il est quasi impossible d’obtenir des places quand il joue à Paris. « Live à la Philharmonie de Berlin » est un DVD au programme duquel figurent « Impromptus D 899 et 946 » de Schubert, ainsi qu’une hallucinante « Sonate Hammerklavier » de Beethoven, enregistrés en juin 2013 (1 DVD Deutsche Grammophon). Quelques mois auparavant, l'éditeur avait publié le même programme sur CD, enregistré en studio en 2015.

Les deux premières parutions pianistiques de l’année 2017 chez Deutsche Grammophon sont un récital de Maurizio Pollini, qui revient à ses premières amours, Chopin, avec un choix d’œuvres tardives, d’un style épuré et comme toujours impeccable ;  et le jeune Rafael Blechacz, avec un récital entièrement consacré à Bach, un parcours sans faute et d’une grande rigueur.

* La pianiste sera le 27 février à la Philharmonie de Paris.