CLASSIQUE - À Toulouse, « les Trois Mousquetaires »

Les ferrets sur pointe

Publié le 28/02/2011
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Crédit photo : D. HERRERO

SURPRENANTE carrière que celle d’André Prokovsky, fils d’une famille russe émigrée à Paris. C’est là qu’il apprit la danse avec les meilleurs maîtres et se lança dans les compagnies en vogue après-guerre (Charrat, Babillée, Petit, London Festival Ballet) puis chez le Marquis de Cuevas avant de s’envoler pour une carrière internationale, notamment au New York City Ballet, et de fonder, avec son épouse Galina Samsova, sa propre compagnie, le New London Ballet. Il créa notamment, aux côtés de Mellissa Hayden, deux rôles de Balanchine : « Pas de Deux et Divertissement » et « Brahms-Schoenberg Quartet ». Quand il décida en 1979 que le temps de danser était terminé, il devint un chorégraphe prolifique.

Prokovsky a créé pour le récit de Dumas une chorégraphie fondée sur l’action, quasi cinématographique (le programme nous apprend qu’il a beaucoup regardé Gene Kelly dans le rôle de d’Artagnan). Elle est découpée avec un grand sens du timing. La musique du ballet, réalisée par le compositeur et chef d’orchestre britannique Guy Woolfenden, un collage de fragments composés par Verdi pour les ballets de ses opéras de jeunesse, est luxueusement dirigée par Nir Kabaretti à la tête de l’Orchestre national du Capitole.

Un d’Artagnan virtuose.

Voici donc d’Artagnan de retour dans sa Gascogne d’origine dans une chorégraphie de facture classique et virtuose de surcroît, défi que relève sans faille la compagnie toulousaine. Les ferrets de la Reine sont bien défendus par le danseur kazakh Kazbeck Akhmedyarov, un d’Artagnan d’une virtuosité à toute épreuve et d’une magnifique prestance, et par le Japonais Takafumi Wanatabe, qui incarne Porthos. Gilles Maidon, qui a superbement réalisé la chorégraphie, s’approprie le rôle de Louis XIII, à qui il donne un air efféminé beaucoup trop caricatural. Le duc de Buckingham trouve en Valerio Mangianti un interprète à la hauteur de l’emploi. Pour les dames qui combattent, telle pour les bijoux et le pouvoir, telle pour le cœur du beau quatrième mousquetaire, nous n’avons que des louanges. Maria Gutierrez est la lingère de la Reine, cette fidèle Constance Bonacieux qui finit par emporter avec une grâce exquise son d’Artagnan. La perfide Milady, qui est le personnage clé, maîtresse du nerf de l’action, est parfaitement incarnée par Juliana Bastos. Belle prestance de Paola Pagano pour personnifier Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, rôle sacrifié sur le plan technique. L’ensemble de la compagnie fait de la figuration aussi bien réglée qu’au cinéma dans les scènes de genre et on reste admiratif devant les talents d’escrimeurs de tous ces danseurs qui ont dû soudain se transformer en acteurs de cinéma de cape et d’épée.

Un beau et divertissant spectacle sans autre but ni prétention que de rendre vivants et crédibles ces personnages au destin si connu.

Capitole de Toulouse (tél. 05.61.63.13.13 et www.theatre-du-capitole.fr). Prochain spectacle chorégraphique : Balanchine/Duato, du 14 au 17 avril.

OLIVIER BRUNEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8913