CINÉMA / « Le Ruban blanc », de Michael Haneke

Les racines du mal

Publié le 20/10/2009
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Crédit photo : DR

LE RUBAN blanc, c’est celui que le pasteur fait porter à ses enfants pour leur signifier « l’innocence et la pureté » qu’il attend d’eux, pour leur faire honte quand il les croit coupables. Dans ce petit village d’Allemagne du nord, en 1913, de mystérieux et tragiques événements surviennent. La société est figée dans ses hiérarchies, familiale, religieuse, sociale, et les enfants en sont les victimes mais aussi les juges aveugles et impitoyables.

Le cinéaste de « Funny Games » et de « la Pianiste » a choisi un magnifique noir et blanc pour décrire ce monde d’autrefois. Pendant près de deux heures et demie – qui passent vite –, on est enfermé, et, comme apparemment ces enfants, spectateurs d’une violence incompréhensible mais inexorable. Derrière les portes closes se perpétuent les pires méfaits, qui font davantage froid dans le dos en étant cachés qu’en étant montrés. Haneke ne commettrait pas cette erreur, de même qu’il ne perd pas de temps à expliquer qui précisément à commis tel ou tel crime.

L’Allemagne, 1913, une éducation répressive et maltraitante : peut-on y discerner les racines de la terreur nazie et de l’obéissance automatique de la plupart de ceux qui s’y sont livrés ? Haneke serait fâché que l’on interprète son film seulement à cette aune. Il montre qu’on peut être inhumain, et transmettre l’inhumanité, en croyant faire au mieux pour ses enfants. Et, lecteur de la psychanalyste Alice Miller, il voit dans cette « pédagogie noire », « les racines de n’importe quel terrorisme, politique ou religieux » (entretien à l’AFP).

Même si l’on se refuse à cette généralisation, même si l’on se sent très loin de ce monde, on sera conquis par ce beau film, austère, comme l’époque qu’il décrit, mais aussi plein de vie, avec ses nombreux personnages, ces enfants qui font pitié et effraient. Un film à la mise en scène intelligente et ample mise au service de l’ambition de comprendre l’incompréhensible.

Jusqu’au 22 novembre, la Cinémathèque française présente une rétrospective de l’œuvre de Haneke, y compris ses films réalisés pour la télévision (www.cinematheque.fr).

RENÉE CARTON.

Source : lequotidiendumedecin.fr