* Auteur multicasquettes, Jean Teulé a dit un jour : « J’ai fait de la BD sans le vouloir (il a reçu en 1990 un prix spécial du jury pour sa contribution exceptionnelle au renouvellement du genre), de la télé sans le désirer (chroniqueur à « l’Assiette anglaise » et « Nulle part ailleurs » notamment) et je suis écrivain sans l’avoir choisi non plus (une vingtaine d’œuvres variées) ». Dans la lignée de « Rainbow pour Rimbaud » en 1991, de « Ô Verlaine ! » en 2004 et de « Je, François Villon » en 2006, il propose une biographie iconoclaste sous le titre accrocheur de « Crénom, Baudelaire ! » (1). Son roman de la vie du poète n’est pas de tout repos, à l’image de celui qui a terminé sa vie en 1857, à l’âge de 46 ans, hémiplégique et aphasique, rongé par la syphilis, drogué, ruiné. En nous laissant les cent poèmes des « Fleurs du mal », l’œuvre de toute une vie critiquée (« L’odieux y côtoie l’ignoble ; le repoussant s’y allie à l’infect… ») et condamnée pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs » (réhabilitée seulement en 1949). Jean Teulé a fait feu de tout bois – et la matière documentaire ne manquait pas – pour brosser le portrait ambigu d’un homme insupportable, voire détestable de méchanceté, obsédé de beauté jusqu’au délire, qui a réuni dans sa poésie l’ignoble et le sublime.
* Entre biographie et autobiographie, narration et introspection, « Manifeste incertain » est le grand projet de Frédéric Pajak, lancé en 2012 après une vingtaine d’ouvrages aux textes et dessins mêlés. Il a reçu le prix Médicis Essai en 2014 pour le numéro 3 et le prix Goncourt de la biographie pour le numéro 7 l’année dernière. La série se termine aujourd’hui avec « Manifeste incertain 9 » (2), autour de Fernando Pessoa (1888-1935). Le livre, illustré de nombreux dessins en noir et blanc, montre l’éclosion du poète portugais, qui se cachait sous les traits d’un modeste employé de bureau, et de ses principaux « hétéronymes », Ricardo Reis, Alvaro de Campos, Alberto Caeiro et Bernardo Soares. À ces destins multiples et incertains, Frédéric Pajak mêle différents épisodes de sa propre vie, en Afrique, dans le Sahara, aux États-Unis, en Chine et en Europe.
* Galeriste et écrivain, Patrice Trigano raconte, à l’occasion du centenaire du surréalisme, la vie d’un autre poète maudit, René Crevel, qui s’est suicidé en 1935 à l’âge de 35 ans. Dans « l’Amour égorgé » (3), il dit avoir « sacrifié l’exactitude sur l’autel de la vérité » pour décrire un homme révolté, tourmenté par sa bisexualité, qui a abusé de la drogue, du sexe et des frivolités mondaines, devenu tour à tour membre du mouvement Dada, du groupe surréaliste et du Parti communiste. À travers le poète et ses amis célèbres, l’auteur dresse une peinture des milieux intellectuels des années 1020-1930.
* C’est également par le biais de mémoires romancés que Michel Peyramaure, auteur de très nombreux romans historiques, conte dans « la Scandaleuse -Le roman de Louise Labé » (4) la vie de la grande poétesse de la Renaissance. On entre dans l’intimité d’une femme à poigne qui a déchaîné les passions dans les cercles littéraires de sa ville de Lyon. Autant admirée que décriée, elle a eu pour seules règles d'aimer et d'écrire, revendiquant pour les femmes l’accès au savoir et à la parole et le droit de vivre selon leur plaisir, comme elle l’a toujours fait.
Des sommes
* Dans le « Dictionnaire amoureux de Montaigne » (5), André Comte-Sponville (« Petit traité des grandes vertus », parmi une trentaine d’ouvrages) nous fait redécouvrir l’un de nos plus grands philosophes, qui est aussi un écrivain et un homme hors normes. Avec une ferveur communicative, en le citant longuement et en disant ce que cet esprit libre lui a apporté, le philosophe fait ressortir l’originalité, la profondeur, la complexité, la modernité de la pensée de l’auteur des « Essais ». Un chemin de sagesse plus de quatre siècles après.
* Monument des lettres françaises, prix Nobel de littérature en 1952, François Mauriac (« le Désert de l’amour », « Thérèse Desqueyroux », « le Nœud de vipères ») a été chroniqueur et éditorialiste politique pendant vingt ans à « l’Express » et au « Figaro ». Observateur indépendant sachant manier l’art de la polémique, et pour cela craint par les pouvoirs en place de droite comme de gauche, il commentait chaque semaine l’actualité au fil de l’histoire et de sa vie. Son « Bloc-Notes » (6) est réédité à l’occasion du 50e anniversaire de sa disparition. Ses écrits traversent deux décennies d’histoire française en même temps qu’ils le révèlent.
* Philippe Delerm (« la Première Gorgée de bière »), dont les romans et récits intimes sont réunis en « Bouquins », s’amuse du poids que constitue la somme de ses livres pourtant si minces ! Le fort volume emprunte le titre d’un de ses premiers romans, « le Buveur de temps » (7), qui caractérise le mieux l’attitude de l’auteur, « à essayer de l’apprivoiser, voire à le déguster quand il se peut ». Avec les peintres et la peinture, la chasse au bonheur, avec son corollaire de mélancolie, est au cœur de ses écrits.
* Les livres et l’écriture sont sources de félicité. Ogawa Ito, romancière très populaire au Japon, donne avec « la République du bonheur » (8) une suite à « la Papeterie Tsubaki ». Son héroïne, toujours écrivain calligraphe et désormais mariée, découvre les petits plaisirs du quotidien au sein d’une famille recomposée. Un roman lumineux pour cultiver l’art d’être heureux.
(1) Mialet-Barrault, 427 p., 21 € (2) Noir sur Blanc, 350 p., 23 € (3) Maurice Nadeau, 236 p., 18 € (4) Calmann-Lévy, 205 p., 17 € (5) Plon, 633 p., 26 € (6) Robert Laffont-Mollat, « Bouquins », 2 tomes (1952-1962 et 1963-1970), 1290 et 1324 p., 32 € chacun (7) Robert Laffont, « Bouquins », 1435 p., 32 € (8) Picquier, 282 p., 19 €
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