Un livre et deux films

Noureev, Acosta, destinées de danseurs

Par
Publié le 17/06/2019
Danse1-Noureev

Danse1-Noureev
Crédit photo : BBC-MAGNOLIA MAE FILMS/K. LUKASH

Voici enfin traduit en français, « Noureev », l’ouvrage colossal de l’ancienne danseuse britannique Julie Kavanagh, devenue journaliste à la suite d’une blessure (L'Archipel, 832 p., 28 €). Il retrace avec une minutie scientifique la vie du danseur soviétique, qui, en 1961, fit le grand saut à l'aéroport du Bourget, lors d’une rocambolesque demande d’asile politique, avant de faire la carrière de danseur, puis de chorégraphe et directeur de la Danse à l’Opéra de Paris que l’on sait, créant une sensation équivalente à celle que produisit Nijinski un demi-siècle plus tôt.

Extrêmement documenté, le livre de Kavanagh explore toutes les pistes de ce que fut la vie de Rudolf Noureev, dans sa période soviétique, puis occidentale, jusqu’à sa mort à Levallois-Perret en 1993. Les sources sont très nombreuses et l’on a une idée de sa vie plus précise qu’avec les ouvrages dont on disposait jusqu’alors en langue française : l’excellent « Noureev, l’insoumis » d’Ariane Dollfus (Flammarion) et le plus romancé « Danseur » de Colum McCann (Pocket). On reprochera seulement à l’auteur de ne pas citer systématiquement ses sources ou références, passant à côté d’une biographie plus rigoureuse.

Sur les écrans à partir de mercredi, « Noureev », le film réalisé par Ralph Fiennes, se fonde sur cette somme biographique mais n’exploite vraiment, hormis quelques flash-back sur l’enfance en Bachkirie (judicieusement filmés en noir et blanc) et sur la période pétersbourgeoise du danseur, que l’épisode de la tournée parisienne en 1961, qui lui permit de réaliser sa spectaculaire évasion. Si l’épisode du Bourget est très réussi, le film n’évite pas quelques platitudes sur l’aspect mondain des premiers succès de Noureev à Paris. Les acteurs sont tous excellents, Oleg Ivenko, jeune danseur ukrainien issu de la troupe nationale du Tatarstan, très crédible dans le rôle principal, Adèle Exarchopoulos, qui incarne tout en finesse l'amie Clara Saint, et Ralph Fiennes lui-même, magistral professeur Pushkin, le premier maître de Noureev.

Des rues de Cuba au Ballet de Londres

Basé sur la vie du danseur cubain Carlos Acosta, « Yuli », d'Iciar Bollain, que l'on verra à partir du 17 juillet, est un film plus sophistiqué, car il dépasse la biographie pour montrer ce que la danse peut avoir de bouleversant dans la vie d’un enfant et pour la politique de l’île de Cuba dans les années 1970.

Après une enfance et une éducation chaotique, Carlos Acosta est devenu dans la dernière décennie du siècle dernier l’un des danseurs principaux du Royal Ballet de Londres, adulé et comblé. Le film le montre de retour à Cuba en 2003, où il ouvre son propre théâtre et réalise « Tocororo », une chorégraphie mettant en scène sa propre carrière.

Les acteurs incarnant le danseur à différents âges (Edilson Obera Nunez, Keyvin Martinez, et Carlos Acosta dans son propre rôle adulte), ainsi que Santiago Alfonso, qui joue avec beaucoup de justesse le père du jeune garçon, contribuent à faire de « Yuli » un film à la fois récréatif et pédagogique.

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9758