Paris demeure la capitale du spectacle vivant et la profusion des propositions donne le tournis. Les productions lourdes, créations comme reprises, sont attendues pour la fin du mois. On se bouscule déjà pour réserver des places à la Comédie Française où, salle Richelieu, Thomas Ostermeier, dirige la troupe dans une version du « Roi Lear », traduit par Olivier Cadiot. Denis Podalydès sera le vieil homme tourmenté. À Nanterre-Amandiers, voyez une autre très grande tragédie de Shakespeare, le remarquable « Richard II » incarné par Micha Lescot, dans la mise en scène de Christophe Rauck, avec, entre autres, Emmanuel Noblet, Cécile Garcia Fogel. Une des grandes réussites du festival d’Avignon, en juillet dernier. Nous y reviendrons, évidemment.
* En tout début de saison, ce sont les théâtres privés qui nous offrent de très belles soirées. En une douzaine d’années, le Poche-Montparnasse, dirigé par Philippe Tesson et sa fille Stéphanie Tesson, elle-même à la tête de la très originale Phénomène & Compagnie, reprenant le droit fil du long règne fertile de Renée Delmas et Etienne Bierry, a affermi sa vocation d’éclectisme, d’audace. À l’affiche actuellement, un grand classique de jeunesse de Pierre Corneille, « le Menteur ». Dans ce même théâtre, Marion Bierry avait mis en scène, il y a quinze ans, une formidable « Illusion comique ». Elle retrouve donc l’auteur du « Cid » pour cette comédie allègre et drôle, irrésistible. Elle en fait presque un musical, avec moments de chansons dans un esprit de variété, de Vienne à Charles Trenet. La langue scintillante de l’auteur est étourdissante. C’est une dynastie de théâtre qui s’épanouit ici, avec, dans le rôle-titre, idéal charmeur, vif, mobile, félin et exalté Dorante, Alexandre Bierry. Il est très bien entouré du délicat et nuancé Brice Hillairet et du fin Benjamin Boyer (avec parfois Thierry Lavat en alternance). Serge Noël donne au père son humanité et les jeunes femmes, Anne-Sophie Nallino et Mathilde Riey, sont de fines mouches. De très beaux costumes de Virginie Houdinière, un décor malin de Nicolas Sire, ajoutent à ce spectacle qui est un enchantement (durée 1 h 30, à 21 heures et 15 heures le dimanche, theatredepoche-montparnasse.com).
Dans cette même salle, juste avant, on découvre une nouvelle pièce de Jean-Marie Besset. Sous le titre de « Duc et Pioche », nous assistons à la naissance de « la Princesse de Clèves ». Un brillant dialogue entre Madame de La Fayette et Monsieur de La Rochefoucauld, incarnés par Sabine Haudepin et François-Éric Gendron. Elle est toute d’intelligence et de charme, il est joueur et aristocratique. Une très belle langue, avec extraits du chef-d’œuvre, et une mise en scène fluide, une direction d’acteurs précise de Nicolas Vial, un mouvement vif. Un duo élégant soutenu par deux interprètes au meilleur d’eux-mêmes (durée 1 h 10, à 19 heures et 17 h 30 le dimanche).
Seule en scène, dans la salle du bas, on retrouve la merveilleuse Alice Dufour dans une version très bouleversante de « Mademoiselle Else » d’Arthur Schnitzler. Ce spectacle, signé pour l’adaptation et la mise en scène d’un Nicolas Briançon inspiré, avait connu un grand succès, il y a deux ans, avant d’être suspendu par le confinement. C’est toujours aussi puissant et émouvant. Alice Dufour, ravissante dans les costumes de Michel Dussarat, comédienne profonde, a reçu pour ce rôle le prix Plaisir-Jean-Jacques Gautier. Un très grand moment de pur théâtre et haute littérature, avec un jeu de voix off excellemment réglé (durée 1 h 15, à 19 heures et dimanche à 15 heures).
* Dans un tout autre genre, mais également irrésistible, est la comédie imaginée et interprétée par Sébastien Castro, « Une idée géniale ». Cet héritier des dramaturges virtuoses à la Ray Cooney écrit avec malice à partir d’un argument qui autorise toutes les folies : des jumeaux plus un sosie ! Il faut non pas être deux, mais trois ! Comment Agnès Boury et José Paul ont-ils résolu la difficulté, eux qui signent la mise en scène ? Vous le découvrirez en courant applaudir au Théâtre Michel cette merveilleuse équipe qui nous offre une occasion de rire sans réserve. Soit un couple heureux, José Paul, professeur, son épouse, Laurence Porteil. Ils veulent déménager et ont visité un appartement à Paris, mais il a observé que l’agent immobilier avait tapé dans l’œil de sa femme. Le hasard le met face à un sosie de ce beau parleur. Ah ! On rit de bon cœur et l’on admire le grand art des acteurs : José Paul, d’une précision extraordinaire, Laurence Porteil, tout charme et finesse, Agnès Boury, grandiose voisine, Sébastien Castro, formidable avec ses capacités au sérieux et aux décrochages. Il est vraiment un grand du théâtre et l’on se délecte à l’observer, si nuancé dans ses différentes apparitions et capables d’exagérations épatantes (durée 1 h 30, à 21 heures et 16 h 30 le dimanche, theatre-michel.fr).
* Beaucoup plus grave est le projet de Yann Reuzeau, auteur très intéressant qui met en scène ses plongées dans la société. Avec « De l’ambition », à la Manufacture des Abbesses, il s’intéresse à un groupe de jeunes lycéens, dans leurs espérances, leurs doutes, leurs tentations. Ce sont de grands débutants venus d’écoles d’art dramatique qui sont réunis et font leur miel de ces personnages qui leur ressemblent. Ils sont touchants et bien dirigés. Julian Baudoin, Clara Baumzecer, Gaia Samakh, Gabriel Valadon, Inès Weinberger possèdent de belles présences. On peut trouver certains moments un peu trop appuyés, quelques passages un peu démonstratifs, mais l’ensemble est très convaincant. C’est un « Éveil du printemps » année 2022… (durée 1 h 30, à 21 heures et 17 heures le dimanche).
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