L'art du trio

Quatre ménages à trois

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Publié le 07/11/2016
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Jazz-Thomas Grimmonprez

Jazz-Thomas Grimmonprez
Crédit photo : ALEXANDRE NAUCLAIN

Jazz-Mary Lou Williams

Jazz-Mary Lou Williams
Crédit photo : GÉRARD DEMONCHY

Bien avant tout le monde (et pour cause !), Mary Lou Williams (1910-1981) fut une first lady. Dans un monde à l’époque essentiellement masculin, une première dame du piano jazz qui avait su s’imposer dès son plus jeune âge (à peine adolescente) auprès de Duke Ellington, et de Louis Armstrong, avant de devenir le mentor de toute la génération des be-bopers. De Miles Davis à Charlie Parker en passant par Dizzy Gillespie et Thelonious Monk.

Auteure de plusieurs centaines de compositions et comptable de plus d’une centaine d’enregistrements, Mary Lou Williams est l’invitée de la célébrissime Grande Parade du Jazz de Nice en 1978, alors lieu de rendez-vous incontournable des amateurs de jazz, qui s’installaient dans les arènes de Cimiez pour écouter religieusement (et souvent enregistrer clandestinement) le gotha du jazz américain. Dans des enregistrements inédits intitulés « Nice Jazz 1978 » (Black & Blue/Socadisc), elle dirige un splendide trio (Ronnie Boykins, contrebasse, et surtout l’exceptionnel Jo Jones à la batterie) et offre un répertoire varié, dominé par ses propres compositions, avec un clin d’œil au boogie-woogie, et de somptueuses reprises de standards (Gershwin). Une époque bénie.

Marié depuis longtemps au jazz, le pianiste romain Enrico Pieranunzi a une maîtresse, la musique classique (à moins que cela ne soit l’inverse !). Un secret bien gardé, enfin révélé avec « Ménage à trois » (Bonzaï Music/Harmonia Mundi), dans lequel le leader se (dé)livre à la tête de son fantastique trio (Diego Imbert, contrebasse, André Ceccarelli, batterie). Très éloigné d’autres tentatives commerciales (genre Jacques Loussier), il parvient à jazzifier des compositeurs classiques et contemporains majeurs – Debussy, Satie, Schumann, Millhaud, Poulenc – ou s’inspire de leur travail pour accomplir avec élégance et lyrisme une approche plus personnelle, harmoniquement et mélodiquement portée par un amour indéfectible pour les deux styles de musiques.

Jeunes ménages

Rares sont les batteurs leaders. À bientôt 43 ans, Thomas Grimmonprez pourrait se situer dans la lignée de figures emblématiques comme Art Blakey, Elvin Jones, Buddy Rich ou Max Roach. Musicien et enseignant, il vient d’enregistrer « Kaléidoscope » (Circum Disc), son deuxième CD, dans lequel, associé à Jérémie Ternoy (claviers) et Christophe Hache (contrebasse), il dévoile de belles et sensibles fresques sonores dues à sa plume de compositeur. Sans pour autant tirer à lui la couverture de leader et celle de l’omniprésent batteur.

Originaire du Danemark, Jakob Bro est un guitariste (électrique) qui, à l’inverse de certains de ses collègues ultra-démonstratifs, cultive l’art de l’effacement et de l’épure. « Streams » (ECM/Universal), son deuxième album pour le label allemand, est la quintessence de cette approche musicale d’influence nordique. Sept compositions personnelles douces et sensuelles, lyriques et élégantes, tout en nuances, climats et subtilités, sans rupture majeure. Un exploit conjugué avec Thomas Morgan (contrebasse) et l’efficacement discret et aérien Joey Baron (batterie).

Didier Pennequin

Source : Le Quotidien du médecin: 9532