« Samson et Dalila » à l'Opéra-Bastille

Saint-Saëns en majesté

Par
Publié le 10/10/2016
Article réservé aux abonnés
Cl-Samson et Dalila

Cl-Samson et Dalila
Crédit photo : VINCENT PONTET/OPÉRA DE PARIS

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas un anniversaire ou une commémoration qui donnent au compositeur français Camille Saint-Saëns (1835-1921) un éclat particulier cette saison. Après vingt-cinq ans d’absence, son chef-d’œuvre, « Samson et Dalila », revient à Paris, sur la scène bastillane. Et voilà que l’on annonce, grâce en particulier au Centre de musique romantique française du Palazzetto Bru Zane à Venise, le retour à la scène d’œuvres méconnues voire oubliées : « Proserpine », rareté absolue, à l’Opéra royal de Versailles, en version de concert, avec Véronique Gens, le 11 octobre, et « le Timbre d’argent », Salle Favart, en juin. Et pour ceux qui visent à l’érudition, deux ouvrages : « Camille Saint-Saëns-Jacques Rouché. Correspondance (1913-1921) » (Actes Sud/Palazzetto Bru Zane) et « le Compositeur globe-trotteur » (en janvier).

On se réjouissait de revoir « Samson et Dalila », dont la dernière présentation remontait aux débuts de l’Opéra-Bastille, dans une production très étrange pour l’époque de Pierluigi Pizzi, dirigée par Myung-Whun Chung. Il a fallu vite déchanter devant le travail du metteur en scène italien Damiano Micheletto, qui semble apprécié par beaucoup de théâtres lyriques en Europe.

Dès l’ouverture on retrouve la banalité des décors métallisés, des costumes contemporains, des mitraillettes et treillis que l’on applique désormais à tous les opéras. Impossible d’entrer dans ce drame biblique, dont le deuxième acte, d’une sensualité torride avec la scène d’amour de Samson et Dalila puis la trahison de cette dernière, ressemble à une mauvaise série sur une chaîne de télévision moyen-orientale. Et la Bacchanale, monument d’orientalisme de pacotille qui couronne l’opéra avant l’effondrement du Temple, transformée en carnaval péplum ridicule.

C’est d’autant plus regrettable qu’on y avait mis certains moyens musicaux. Le chœur maison, admirablement préparé par José Luis Basso, a été prodigieux dans ce qui est probablement les meilleures pages de l’opéra. Le directeur musical Philippe Jordan, qui tient beaucoup à cette reprise, a soigné sa direction à l’extrême – peut-être un peu trop dans certaines pages, qui méritent d’être laissée au premier degré de leur orientalisme chatoyant plutôt que ralenties et analysées à l’extrême. Dans le deuxième acte, il a su insuffler un formidable dramatisme, tout comme dans la Bacchanale, dirigée à fond de train avec un sang-froid impressionnant.

Très inégale, la distribution était dominée par le Letton Aleksandrs Antonenko (Samson), ténor puissant mais capable d’alléger sa voix dans les scènes les plus sensuelles et qui, à défaut d’une diction impeccable, s’est distingué par un style exemplaire. Superbes aussi les deux basses françaises, Nicolas Testé (Abimélech) et Nicolas Cavallier (le vieillard hébreu), alors que le Letton Egils Silins (le Grand-Prêtre de Dagon), si peu crédible dans son costume-cravate, a chanté dans un idiome proche du volapük et était sans étoffe. Plus complexe, le cas de la Géorgienne Anita Rachvelishvili, grande et belle voix colorée à la diction française étonnante, remarquée en Carmen : elle est passée à côté du rôle de Dalila, pour une question de style et à cause de la vulgarité imposée à son personnage par le metteur en scène.

Coproduction avec le Metropolitan Opera de New York, « Samson et Dalila » sera diffusé dans 25 cinémas UGC le 13 octobre et sur France Musique le 23 octobre.

Opéra-Bastille, jusqu'au 5 novembre. Tél. 0892.89.90.90, www.operadeparis.fr

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9524