CLASSIQUE - « Billy Budd » à Amsterdam

Sans la mer

Publié le 21/03/2011
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Crédit photo : DR

CETTE PRODUCTION avait marqué les débuts dans le rôle-titre de Peter Mattei. Amsterdam la reprend avec celui qui a illuminé la production du dernier festival de Glyndebourne, le Sud-Africain Jacques Imbrailo. Richard Jones et son scénographe Anthony McDonald nous transportent dans un univers qui n’est en rien celui du navire de la marine royale anglaise « The Indomptable » au moment des guerres navales napoléoniennes. À l’aide d’un décor coulissant extrêmement efficace, c’est celui d’une académie d’officiers de marine où sont formés de jeunes cadets avec une discipline à l’anglaise, brutale et raffinée. L’action se passe à l’époque de Georges VI, comme en atteste, non sans ironie, le portrait du roi bègue dans le bureau du capitaine Vere, soit celle de la création (1951). On reste donc un peu à distance du propos d’Herman Melville.

Heureusement, musicalement, c’est une belle réussite. Le chef Ivor Bolton a pris le parti de privilégier les instruments qui caractérisent les personnages et on entend une lecture assez passionnante de cette riche partition. Il laisse la bride plus libre, dans les interludes, au Netherlands Philharmonic Orchestra. Mais, comme cela arrive parfois, l’esthétique d’un spectacle influençant la musique, on n’y hume aucun élément marin.

Est-ce aussi parce qu’il a une liberté d’expression plus grande que, dans la mise en scène de Michael Grandage à Glyndebourne, Jacques Imbrailo s’implique d’avantage dans son personnage, s’y montre plus juvénile et moins boutonné ? Son air nocturne chanté avec une extrême pureté vocale et beaucoup d’émotion est un grand moment de chant. Clive Bayley possède la brutalité et la malignité du rôle de Claggart, dommage que la mise en scène le réduise à une espèce de surveillant de dortoir un peu trop prompt à inspecter les douches et le sommeil de ces soi-disant marins. Le point faible de la distribution est le capitaine Vere de John Mark Ainsley. Avec une voix trop petite en projection et trop courte d’aigus, il n’a ni l’autorité scénique d’un capitaine de vaisseau (et comment l’aurait-il, avec ce parti-pris ?) ni la grande humanité nécessaire pour intéresser le spectateur au prologue et à l’épilogue, qui donnent toutes les clés de compréhension du personnage et par là-même de l’œuvre.

De Nederlandse Opera Amsterdam (+31/20.625.54.55 et www.dno.nl), jusqu’au 28 mars. Prochains spectacles : « Platée », de Rameau, par René Jacobs, du 4 au 14 avril ; « Don Giovanni », de Mozart, du 8 avril au 1er mai.

OLIVIER BRUNEL
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Source : Le Quotidien du Médecin: 8927