THEATRE - « Un Tramway nommé désir », de Tennessee Williams

Une version fascinante

Publié le 17/02/2011
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Crédit photo : C. M. MAGLIOCCA

COMMENT représenter aujourd’hui une œuvre très marquée par l’époque dans laquelle elle a été composée et créée au théâtre, en 1947 ? Comment renouveler une œuvre fixée par l’extraordinaire film d’Elia Kazan en 1951, avec notamment Vivien Leigh et Marlon Brando ? Lee Breuer, cofondateur des Mabou Mines, une compagnie de théâtre américaine, exceptionnelle d’inventivité, est connu en France notamment pour y avoir récemment présenté sa mise en scène de « Maison de poupée », d’Ibsen, à La Colline et le film qu’il en a tiré. C’est un artiste puissant, qui ne craint pas les gestes forts.

Pour l’entrée de la pièce de Tennessee Williams au répertoire de la Comédie-Française, il s’appuie sur une traduction nouvelle de Jean-Michel Déprats. Elle est précise, fidèle, donne le sentiment de la « vérité » de chaque personnage ; elle s’accorde très bien aux rythmes donnés par la présence sur le plateau de musiciens qui rappellent le Vieux Sud et de l’évocation du théâtre japonais Bunraku, avec des serviteurs de scène, vêtus de noir, qui assistent les protagonistes. Des panneaux reprenant de délicates estampes, une scène de théâtre dans le théâtre, autant d’écrans éloignent et, paradoxalement, rapprochent l’action du spectateur.

Si l’on accepte ce parti-pris, qui s’accommode aussi de notations réalistes (une Harley Davidson sur le plateau, des tatouages), on est bouleversé par le jeu, physique et ultrasensible, des comédiens excellents réunis. Pour nous en tenir au quatuor principal, citons la présence âpre et douce à la fois du Mitch et Grégory Gadebois, la virilité solaire et brutale du Stanley d’Éric Ruf, le courage et la dignité de l’amoureuse Stella de Françoise Gillard, la grâce douloureuse de la magnifique Blanche DuBois d’Anne Kessler, qui est bouleversante dans la moindre de ses inflexions.

Comédie-Française, salle Richelieu (tél. 0825.10.16.80), en alternance jusqu’au 2 juin. Durée : 3 heures, entracte compris.

ARMELLE HÉLIOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8908