À l'Opéra d'Amsterdam

Vive les « Van »

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Publié le 26/09/2016
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Cl-Episodes van Fragmenten

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Crédit photo : HANS GERRITSEN

CL-REQUIEM

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Crédit photo : HANS GERRITSEN

L’Opéra national néerlandais a été désigné « Opera Company of the Year » à la fin de sa saison jubilé (50 ans), par l’association International Opera Awards. Son directeur artistique, Pierre Audi, à sa tête depuis 28 ans, y restera jusqu’à juillet 2018, date à laquelle il rejoindra le Festival d’Aix-en-Provence, où il a été nommé pour cinq ans.

La nouvelle saison a débuté avec une production des « Noces de Figaro », de Mozart et da Ponte, dans une mise en scène très théâtrale de David Bösch et un décor spectaculaire de Patrick Bannwart. On se réjouissait d’entendre le baryton français Stéphane Degout dans le rôle du comte Almaviva, qu’il chante depuis 2003 sur les scènes internationales. Mais le décor monumental, grand cyclorama permettant de passer en un instant d’une pièce du château à l’autre, est un dispositif à ciel ouvert et les voix des chanteurs, au lieu d'être projetées dans la salle, filent dans les cintres. Du neuvième rang, on n’entendait pas ce qui caractérise une voix, son volume, son timbre.

La régie de David Bösch, venu du théâtre, appelle autant de compliments que de réserves. Des compliments pour la magnifique direction d’acteurs : si, pour des raisons acoustiques, les chanteurs ne brillaient pas par leurs qualités vocales, leur travail de comédien était admirable. Des réserves quant au mélange des époques et au non-respect des rapports de la hiérarchie sociale, thème qui est la raison d'être de la pièce de Beaumarchais, même si l’adaptation de Lorenzo da Ponte l’édulcore un peu.

Mais le point le plus faible reste pour nous la direction musicale d’Ivor Bolton. Non que l’excellent Orchestre de chambre néerlandais ait démérité, mais on est habitué aujourd’hui à entendre pour les opéras de Mozart autre chose qu’un ronron bien mis en place. Le nerf de cette musique est la base même de la direction théâtrale et cela manquait cruellement.

Les maîtres hollandais

La compagnie nationale de danse Het Nationale Ballet ouvrait quant à elle sa saison avec un programme luxueux et nostalgique, au titre à l’évidente référence picturale, « Hollandse Meesters », concocté en l’honneur de Toer van Schayk, personnalité éminente du paysage chorégraphique national, dont on fête ce mois-ci le 80e anniversaire.

La soirée a commencé par un court film-portrait réalisé par Mathieu Grémillet. Il s’agissait surtout de faire connaître aux nouvelles générations la singularité de cet artiste complet, qui a dansé et créé de nombreuses chorégraphies, notamment en collaboration avec Rudi van Dantzig (directeur de la compagnie de 1969 à 1991) et qui est également plasticien, créateur de nombreux décors et costumes.

Cette soirée se voulait aussi un hommage à un âge d’or de la compagnie, soutenue pendant les années 1960 et 1970 par les « trois Vans », les deux déjà cités et l’immense Hans van Manen (né en 1932), celui des trois dont la réputation en Europe est la plus affirmée. Il était important, pour un public sans cesse plus jeune et renouvelé (au contraire de celui de l’opéra et des concerts) et pour les nombreux touristes qui affluent à Amsterdam, de mettre en parallèle cet âge d’or de la danse néerlandaise avec celui de la peinture hollandaise.

Les trois chorégraphes partagent une même identité de style néoclassique et une parenté évidente apparaît entre les œuvres, notamment grâce aux danseurs de cette magnifique compagnie. La part du lion était réservée à Van Schayk, avec deux pièces : « Requiem », sur l’œuvre de Mozart, créée en 1990, et une œuvre plus récente, « Episodes van Fragmenten », un pas de deux réalisé sur « Extase » pour violon et piano d’Ysaÿe. Ces deux œuvres encadraient deux chorégraphies majeures des deux autres « Van ». « Quatre derniers Lieder », de Van Dantzig, magnifique course-poursuite de quatre couples surveillés par un ange, devant un superbe paysage de montagnes peint par le chorégraphe, avec au chant Barbara Haveman. Et « Adagio Hammerklavier », de Van Manen, une œuvre sur pointes de 1973, réglée pour trois couples sur le troisième mouvement de la « Sonate n 29 » de Beethoven, ode à la décélération qui, plus de quarante ans après sa création, garde sa fraîcheur des premiers jours. C’est ce que l’on souhaiterait à beaucoup de pièces créées à la hâte de nos jours.

 

Prochains spectacles : « Manon Lescaut », de Puccini, du 10 au 31 octobre ; « la Bayadère », du 8 octobre au 13 novembre. Tél. + 31.020.625.54.55, www.operaballet.nl

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9520