Lutter contre le mal de dos en donnant du sens au soin

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Publié le 11/07/2019
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Crédit photo : Phanie

Postures contraignantes, gestes répétitifs, manutentions manuelles… Dans le secteur de l'aide et des soins à la personne, le mal de dos est à l'origine, selon les données de l'Assurance maladie, de plus de 2 millions de journée de travail perdues.

Face à ce phénomène et au coût humain et financier élevés, le groupe hospitalier Saint-Joseph à Paris a initié, dès 2003, une réflexion sur la prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) des soignants. « L'objectif était d'éviter d'exposer les soignants aux risques professionnels en développant l'idée de pouvoir faire de la manutention à deux doigts », raconte Jean-Philippe Sabathé, ancien infirmier, ergonome et responsable de la prévention des risques professionnels à la direction des ressources humaines du groupe hospitalier Saint-Joseph.

Cette approche s'est traduite par la mise en place de nouvelles méthodes de prise en charge construites sur « la valorisation du soin », précise Jean-Philippe Sabathé : « nous avons fixé comme objectif de redonner de l'autonomie au patient en lui proposant de faire par lui-même ce dont il est capable. En se focalisant sur l'accompagnement des patients dans leur autonomie, les soignants vont naturellement prendre soin d'eux et notamment de leur dos ».

Respecter les déplacements spontanés

Concrètement, il s'agit de proposer un matériel adapté et une formation aux soignants. Alors que la première cause d'accident reste la manipulation du patient dans son lit, pour le redresser par exemple, un simple tapis de glisse et une formation à son usage permettent d'éviter de nombreuses manipulations. « La manipulation reste un soin infirmier qui doit se pratiquer dans le respect des déplacements spontanés du patient et en mobilisant ce dernier », insiste Jean-Philippe Sabathé.

« Il s'agit d'un virage important avec un arrêt des efforts inutiles et la construction d'un soin adapté », commente Carole Gayet, pilote de la thématique Aide à la personne à l'INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité), qui va traduire cette approche dans ses référentiels d'ici 2021. Pour l'heure, l'enjeu est celui de la formation des soignants à ces nouvelles méthodes. « Les soignants ont du mal à modifier leurs pratiques. Certains protocoles ont pourtant été élaborées par les religieuses des Hospices de Beaune il y a quatre siècles. Notre défi est donc d'ancrer la démarche dans les pratiques », souligne Jean-Philippe Sabathé.

À Saint-Joseph, les résultats sont prometteurs. Cause de 2000 jours d'arrêt de travail par an en moyenne avant l'instauration des nouvelles pratiques en 2011, la manutention des personnes n'en implique plus que 372 jours en 2018. « Ces données sont d'autant plus significatives que nous avons connu un accident grave cette année-là qui a entraîné un arrêt de 250 jours », précise Jean-Philippe Sabathé. L'impact est également économique : pour le seul rehaussement des patients dans leur lit, le bénéfice, calculé par rapport aux arrêts de travail évités, est estimé à plus d'un million d'euros sur la période de 2011 à 2018.


Source : Le Quotidien du médecin