Parlons peu, parlons bien. Qu’est-ce que le secteur de la santé ? Où commence-t-il et où se finit-il ? C’est une question que je ne m’étais jamais posée en 15 ans de carrière en santé publique. J’ai pourtant travaillé sur trois programmes de prévention différents, sur des plans répondant aux urgences sanitaires majeures, ou encore sur le programme de santé de l’Union européenne (si, si, il y en avait un avant Covid). J’ai navigué d’une prévention à l’autre, des accidents de roller aux chutes des personnes âgées, des incendies domestiques aux virus respiratoires, du grand froid à la canicule en passant par les inondations et le chlordécone… sans jamais me poser la question du champ de la santé et de sa vaste étendue. « Bien attacher ses lacets, tenir son enfant sur une table à langer » ; le premier n’est pas considéré comme de la santé, le second était une recommandation du programme Accident de la vie courante de l’Inpes… La frontière est mince finalement. Et pourtant, depuis trois ans une question revient sans cesse. Ce que l’on me propose relève-t-il du champ de la santé ou non ?
La définition de l'OMS induit-elle une confusion ?
Prenons le secteur du bien-être, ce double mot à la mode qu’on utilise à tort et à travers. Est-ce de la santé ? Non ! Je le crie haut et fort puisque nous sommes dans la rubrique « Humeur ». L’erreur fréquemment commise vient de la définition de l’OMS que nous connaissons tous, « un état de bien-être physique, mental et social complet », et de la prendre en sens inverse, en ôtant les mots « état » et « complet » ; en d’autres termes, « si je fais du bien-être alors je fais de la santé ». Si l’on va plus loin, "bien-être" est l’opposé, au sens littéral du terme, de "mal-être" que l’on apparente souvent à être malade. Un Spa détend, nous transporte dans le monde du Zen, fait du bien, certes. Aller chez le coiffeur et avoir un massage du cuir chevelu, est « très satisfaisant » comme diraient les adolescents. Ce n’est pourtant pas de la santé.
Cependant, on sait que les techniques de respiration permettent d’apaiser le rythme cardiaque. Quant aux soins de support, ils font un bien fou aux patients atteints de cancer. Certains instituts font des études pour montrer que l’accompagnement bien-être en plus des soins améliore le process voire le taux de guérison. De surcroît, les études semblent montrer que la méditation a des bienfaits bénéfiques sur la santé. Des résultats de « silver santé study » montreraient que la méditation améliore de manière significative l’attention et la régulation des émotions chez des personnes de plus de 65 ans… Alors ? Santé ou pas santé, le bien-être ? J’avoue que moi-même, si cartésienne, je ne sais plus. Proposons, voulez-vous, que les « soins de bien-être » fassent partie de la santé lorsqu’ils sont prodigués dans le cadre d’un parcours de soins coordonné par des professionnels de santé. En tout cas, c’est le choix qu’a fait le comité de sélection des membres du collectif Femmes de Santé pour accepter les candidatures que je qualifierai ici de floues.
Qu'en est-il du coaching ?
Le coaching… Encore un sujet. Les coachs sont-ils des acteurs du monde de la santé ? « Tout le monde devient coach », vous avez pensé ou entendu cette phrase mille fois. Il est vrai qu’ils sont de plus en plus nombreux et leurs formations fleurissent sans que l’on puisse s’y repérer. Des certifications existent et permettent d’y voir plus clair. Les coachs, souvent des seniors reconvertis après avoir occupé des postes à responsabilité, interviennent souvent dans le monde professionnel et permettent d’éviter des burn-out chez de nombreux salariés… Il s’agit donc de prévention. Mais alors, «santé or not santé», le coaching ? Compliqué n’est-ce pas ? Là encore, le comité a statué. La candidature est acceptée si la personne est coach de soignants, ou de patients dans le cadre d’un parcours de soins coordonné par des professionnels de santé.
Et la naturopathie ? Sur ce point particulier, la biologiste cartésienne que je suis est offusquée, car pratiquée par un non professionnel de santé, mal formé, la naturopathie peut être dangereuse. Qu’en fait-on alors ? Est-ce une discipline réellement fondée sur des études ? En tant que grande fan de chimie organique, j’affirme : vive les interactions atomiques et la quantification précise des principes actifs. La nutrition oui, la naturopathie… Non. Politiquement incorrect sans doute, encore moins à la mode, mais tant pis.
Reste l’homéopathie… Joker. L’avantage ici, c’est qu’elle ne peut pas nuire et le rapport bénéfice-risque ne sera jamais négatif. Si cela ne coûte rien à la Sécurité sociale et peut aider, même de manière placebo, finalement pourquoi pas ? L’important est d’aller mieux.
Ce qui est certain, c’est que les résultats des études en cours tendront vers un élargissement des frontières du monde de la santé, et que les techniques de bien-être, externes à ce secteur, font quand même… du bien.Om.
C’est vous qui le dites
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