700 000 patients en ALD n’ont pas de médecin généraliste.
Peut-on résoudre ce problème ou doit-on attendre patiemment des jours meilleurs ?
Mais bien sûr qu’on le peut.
Entrons au cœur du sujet.
Pour que cela soit faisable, il faudrait en premier lieu que 70 % des 100 000 généralistes français acceptent de prendre chacun 10 nouveaux patients en ALD au cours des 12 mois qui viennent. Dans ce cas, les 700 000 personnes sans médecin traitant trouveraient aussitôt chaussure à leur pied et le problème serait réglé.
Une surcharge de travail pour les généralistes ?
Mais la grande interrogation qui pointe le bout de son nez est la suivante : quelle surcharge de travail cela va-t-il engendrer pour les médecins concernés ?
Eh bien en réalité, des clopinettes !
C’est ici que l’on peut se dire qu’il est déplorable que l’on n’ait pas davantage explorer la question et que l’on ait laissé s’installer cette détestable situation pendant des mois en laissant croire que les praticiens allaient courir au burnout ?
Arrêtons-nous quelques minutes sur le sujet. Un patient en ALD verra son généraliste quatre fois dans l’année pour le renouvellement de son traitement chronique. On peut supposer qu’il sollicitera, pour des motifs liés à sa pathologie ou pour d’autres motifs intercurrents, trois consultations supplémentaires au cours de cette même année, ce qui portera à sept le nombre de ses rendez vous chez son praticien ; ceci est bien sûr une moyenne.
Ces 70 consultations de 17 minutes demanderont 1 190 minutes de travail supplémentaires à chaque praticien au cours de l’année
Si on les répartit sur les 260 jours d’ouverture d’un cabinet, on trouve 4,5 minutes de travail supplémentaire par jour soit, si on veut être plus réaliste, une consultation de plus tous les quatre jours.
Donc pas de quoi fouetter un chat !
L’incidence de cette « surcharge » nouvelle sur l’activité et la fatigue du médecin sera si négligeable qu’aucun praticien ne pourra démontrer qu’une consultation de plus, tous les quatre jours, va perturber son mode de vie.
Et puis, nous avons tous en nous suffisamment de compréhension et de compassion pour nos patients, nous comprenons tous le désarroi de toutes ces personnes en affection longue durée et l’angoisse qu’ils peuvent ressentir au simple fait de ne pas trouver une épaule professionnelle sur laquelle s’appuyer.
Enfin, le ratio entre la gravite de la situation actuelle devenue quasiment une affaire d’Etat et ces quatre minutes et demie quotidiennes demandées est si grand, qu’aucun professionnel ne devrait refuser de s’engager sur cette voie.
Alors, à qui doit on faire appel pour jouer cette partie ?
Aux caisses d’Assurance-maladie ? Non, leur image est trop écornée.
Aux pouvoirs publics ? Même chose.
Mais plutôt à nos syndicats.
A eux d’avoir surtout le courage et aussi l’habileté de convaincre la profession. Celle-ci ensuite devra bien sûr agir en un seul élan et d’un seul corps.
Comment procéder ?
Pour commencer, il faudra virer du discours des secrétariats la sacro-sainte phrase : « On ne prend plus de nouveaux patients ».
Personne ne la regrettera car cette phrase finit par devenir la honte de la profession.
On la remplacera par : « Ici, votre médecin, s’engage à prendre 10 nouveaux patients en ALD. Inscrivez-vous. »
Une affiche à apposer à l’entrée de chacun des 70 % de cabinets où l’activité est la moins forte.
Bien sûr, il n’est pas certain que partout où il y a des patients demandants, il y a des médecins disponibles.
Mais, n’entrons pas dans ces cas particuliers. Contentons-nous de mettre le train en marche et ce sera déjà suffisant.
Alors de grâce, Monsieur le ministre de la Santé, ne vous égarez pas à faire un plan Marshall pour discutailler sur le sujet.
Ne partez pas non plus dans ce délire de construction de 4 000 maisons pluridisciplinaires. Ça va coûter la peau des fesses et ça ne réglera pas le problème. Ce qui compte c’est de toute évidence le contenu et non le contenant.
Maintenant, il va bien falloir ajouter une carotte pour mettre tout cela en place.
Dès que chaque médecin aura pris ses 10 nouveaux patients, la récompense sera qu’il ou elle pourra facturer 30 € sa consultation.
On étendra bien entendu d’emblée cette mesure aux cabinets dont l’activité est déjà soutenue.
Aux syndicats de négocier ce deal avec les caisses.
Pour eux, un beau challenge à mener et aussi pour l’ensemble de la profession.
Mais, de grâce, ne tardons plus pour avancer.
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