Il y a deux ans, durant le 1er confinement j’avais publié une tribune ("Coronavirus, et après ? Plaidoyer pour une mondialisation vertueuse" : lequotidiendumedecin.fr 19 mai 2020) regrettant notre incapacité à doter l’OMS des moyens politiques et budgétaires lui permettant de gérer la pandémie au niveau où elle devait l’être, et je concluais qu’il était urgent de réorganiser l’OMS et de fait l’ONU, avant d’être confronté à un risque « d’une toute autre ampleur » que le risque épidémique.
Je ne pensais pas que deux ans plus tard, nous y serions, avec une pandémie qui ne s’atténue que lentement et incomplètement, et surtout une guerre en Ukraine que nous sommes collectivement incapables d’arrêter, au risque d’entraîner une escalade mortifère dont personne ne veut, et c’est heureux, mais qui, du coup, laisse le champ libre à la démesure.
Incapacité collective
La pandémie mondiale de Covid a mis en exergue notre incapacité collective à faire face de façon organisée à un défi infectieux planétaire. La guerre en Ukraine met en exergue notre incapacité à préserver la paix, et l’équilibre par la terreur est plus précaire que jamais et on en est réduit à fournir des armes à l’Ukraine, à essayer de sauver des civils (avec un succès limité), à ergoter sur des définitions : crime de guerre, crime contre l’humanité, génocide…
Or, c’est la guerre qui est l’horreur, pas seulement la façon dont on la fait, pas seulement les armes que l’on utilise pour la faire. Les bombardements de Tokyo de février-mars 1945 qui ont fait 100 000 morts étaient-ils moins mauvais que ceux d’Hiroshima et Nagasaki quelques mois plus tard ? Le danger majeur de ces hiérarchisations, c’est la banalisation de la guerre « ordinaire » ou pire encore, de la guerre décrite comme « propre ».
Une opportunité manquée
Nul doute que nous, occidentaux, avons laissé passer une opportunité d’accélérer le désarmement amorcé après la dissolution du Pacte de Varsovie en 1991 et la fin de la guerre froide. Et on voit que les dépenses militaires étaient revenues à presque 1 000 milliards de dollars à la fin des années 1990, alors que la remontée amorcée depuis les années 2000 s’accélère dangereusement. Ainsi, ces dépenses dépassent pour la première fois les 2 000 milliards de dollars en 2021 (SIPRI, 25 avril 2022, World military expenditure 1988-2021) et vont continuer à grimper. En effet, depuis le début du conflit ukrainien on n’entend de tous côtés que renforcement des moyens militaires, dans une accentuation des nationalismes primaires.
Peut-être que cette crise va amener à une défense européenne, mais cela suffira-t-il ? On peut en douter. Quand on aura un bloc militaire américain du Nord et anglais, un bloc européen, un russe, un chinois, un indien, et peut-être un jour prochain, un sud-américain et un africain, sera-t-on à l’abri de la folie de quelques dirigeants ? À l’abri de coalitions expansionnistes impossibles à arrêter ? On peut craindre que cette course au surarmement ne prépare surtout au pire plutôt qu’à la dissuasion.
Pourquoi ne pas profiter de cet à-coup de l’histoire pour sortir de cette escalade incontrôlable qui se fait au détriment d’autres priorités criantes pour une large part de la population mondiale dans les domaines de la santé, du climat, de l’éducation… ?
Pourquoi alors ne pas envisager une force au-dessus de toutes les nations. Ces mêmes nations qui s’engageraient en même temps, c'’est bien sûr indispensable, dans un désarmement accéléré, nucléaire et autre. L’urgence est de réformer profondément l’ONU et son conseil de sécurité avec son droit de veto d’un autre temps, pour lui donner les moyens d’agir et de faire respecter les décisions collectives selon un modèle à recréer.
Utopie… ou pragmatisme ?
Utopique ? Non, pragmatique. Je souhaite ardemment que mes petits-enfants et arrière-petits-enfants ne vivent pas dans cette crainte permanente. Angélique ? Non, ce n’est pas de l’angélisme. Depuis que l’Homme s’est sédentarisé (il y a quelque 10 000 ans), il n’a de cesse que de faire son précarré et de lorgner sur celui du voisin. C’est inscrit dans ses gènes et aucune thérapie génique n’est en vue pour corriger cela. Il convient donc de faire avec et de se prémunir des conséquences de cette bellicosité atavique par une armée indépendante, au-dessus des nations, alimentée par ces nations, mettant à l’abri des velléités de quelques-uns; et on voit bien qu’il y en a qui attendent leur tour !
La France, qui vient de se doter d’un président pour cinq ans, s’honorerait, se grandirait en portant un projet de paix enthousiasmant pour l’avenir. Un quinquennat ne sera pas de trop pour mettre un tel projet disruptif sur les rails de façon irréversible. Alors, ne perdons pas de temps, le plus tôt sera le mieux.
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