Tribune

Dr Pierre Simon : « L’essor de la télésanté exige une adaptation des soignants par la formation »

Publié le 31/01/2025
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Un an après sa création, le think tank Télésanté et numérique en santé publie ses dix premières préconisations pour améliorer la prise en charge à distance des patients. Il prend en compte les expériences réussies des professionnels de terrain en matière d’organisations innovantes basées sur les pratiques de télésanté (télémédecine et télésoin) et différentes applications du numérique en santé.

Dr Pierre Simon, président du think tank Télésanté et numérique en santé

Dr Pierre Simon, président du think tank Télésanté et numérique en santé
Crédit photo : DR

Lancé le 1er décembre 2023, à l'initiative de quatre fondateurs (1), le think tank Télésanté et numérique en santé est composé aujourd’hui d’une soixantaine de membres. Il organise des webinaires mensuels et anime des groupes de travail sur la téléconsultation, le DMP-MES, la téléexpertise… Il émet également des préconisations s’inspirant de ses travaux.

La médecine hybride du XXIe siècle

Pour promouvoir les parcours de santé hybrides, le think tank met d'abord en avant, pour répondre aux besoins des patients atteints de maladies chroniques, l'importance d'un modèle combinant soins présentiels et distanciels. Ce type de parcours repose sur l'alliance entre la clinique et les technologies, garantissant une prise en charge humaine, sécurisée, efficiente et coordonnée sur un territoire de santé.

Il estime que les pratiques de télésanté permettent aux organisations professionnelles d’évoluer vers des équipes de soins composées de professionnels de premier et de second recours, travaillant ensemble dans des structures variées, telles que les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les Ehpad ou encore les centres de santé. Une attention particulière est portée à l'évaluation de ces pratiques hybrides, en intégrant l'expérience et les résultats des patients grâce à des outils comme les Prems (mesures d'expérience) et les Proms (mesures de résultats thérapeutiques).

Pour garantir la sécurité et l'efficacité des parcours hybrides, les soins distanciels doivent être intégrés avec souplesse dans les plans de soins personnalisés des patients. Leur pertinence doit être évaluée en tenant compte des besoins spécifiques, et en s'appuyant sur des outils numériques comme Mon espace santé et le dossier médical partagé (DMP). Ces outils permettent une traçabilité rigoureuse des actes et renforcent la coordination entre les professionnels impliqués.

Les professionnels de santé doivent pouvoir utiliser la téléconsultation librement, selon la pertinence clinique

Concernant la téléconsultation, elle est identifiée comme une composante essentielle des parcours de santé hybrides, lesquels doivent recueillir le consentement éclairé des patients, après une information claire et appropriée des bénéfices et limites de cette pratique. Les professionnels de santé doivent pouvoir utiliser la téléconsultation librement, selon la pertinence clinique, sans être contraints par des quotas ou des seuils d'activité, car seule cette approche garantirait une prise en charge adaptée et efficace, particulièrement pour les patients souffrant de maladies chroniques.

Le think tank décrit différents types de téléconsultations, en fonction des contextes et des besoins. Par exemple, les consultations peuvent être initiées par un médecin traitant ou un spécialiste, alternant avec des consultations présentielles. Elles peuvent aussi être assistées par un infirmier ou un pharmacien, dans des situations cliniques précises qui tiennent compte de l’illectronisme fréquent des personnes âgées.

Dans les cas d'urgence, la téléconsultation peut être réalisée par des équipes mobiles de télémédecine ou par le Samu, renforçant ainsi la rapidité et la pertinence de la réponse médicale. Pour les résidents d'établissements médico-sociaux, notamment les Ehpad, la téléconsultation offre une alternative efficace, réduisant les hospitalisations inutiles ou les venues aux urgences.

Enfin, des usages spécifiques sont recommandés pour faciliter l'accès à certaines spécialités médicales rares et pour développer des actions de prévention primaire à distance.

Pour une pratique généralisée et efficiente

Le think tank estime que l’essor de la télésanté exige une adaptation des compétences des professionnels de santé par la formation initiale universitaire ou par la formation professionnelle continue.

Il est ainsi recommandé d'intégrer la télésanté dans les cursus de formation initiale des étudiants en médecine et dans les autres spécialités médicales et paramédicales. La pratique hybride, qui combine consultations présentielles et distancielles, doit être « normalisée » dans les programmes pédagogiques. Pour les professionnels déjà en exercice, des dispositifs de développement professionnel continu (DPC) doivent être mis en place, basés sur des référentiels comportementaux, cliniques et scientifiques.

Le think tank incite également à former les soignants aux spécificités des pratiques à distance, notamment les contraintes cliniques, juridiques et relationnelles. Les professionnels sont encouragés à apprendre à instaurer un lien de confiance et d'empathie avec leurs patients à travers des médias numériques, tout en garantissant la sécurité et la qualité des soins.

Pour soutenir le développement de la télésanté, des mesures politiques doivent être prises, insiste le think tank. Parmi celles-ci, il est recommandé de supprimer les seuils et quotas qui limitent actuellement l'usage des soins distanciels, permettant ainsi aux professionnels de les intégrer pleinement dans leurs pratiques afin de personnaliser le parcours hybride de leurs patients. L'usage de Mon espace santé et du DMP devrait devenir progressivement obligatoire pour renforcer la sécurité et la coordination des soins.

Par ailleurs, le déploiement de la téléconsultation dans les Samu et les services d'accès aux soins (SAS) est jugé essentiel pour améliorer la gestion des urgences médicales.

La télésanté doit être encouragée dans tous les secteurs, qu'ils soient sanitaires, médico-sociaux ou liés au domicile, pour en faire une pratique généralisée et efficiente. Les prochaines préconisations porteront sur la téléexpertise, pratique essentielle pour assurer la coordination et la continuité des soins, et sur l’usage des services de Mon Espace Santé, que le think tank considère désormais incontournable dans l’usage de la télésanté.

L'ensemble de ces premières préconisations est consultable sur https://telemedaction.org/think-tank/1-res-preconisations

(1) Dr Pierre Simon, ancien président fondateur de la Société française de télémédecine et ancien CGES auprès de la DGOS ; Dr Jacques Lucas, ancien président de l’Agence du numérique en santé et ancien 1er vice-président du Cnom ; Pr Lina Williatte, professeure de droit de la santé à l’université catholique de Lille ; Pr Thierry Moulin, ancien président de la Société française de télémédecine et directeur de l’UFR des sciences médicales à l’université de Bourgogne-Franche-Comté

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Dr Pierre Simon, président du think tank Télésanté et numérique en santé

Source : Le Quotidien du Médecin