La LFSS 2023 annonce l’« accès gratuit à la contraception d’urgence » et des rendez-vous de prévention à trois âges clés de la vie (25, 45 et 65 ans) qui « prennent notamment en compte les besoins de santé des femmes… ». C’est un progrès indéniable. Pourtant, certains amendements plus précis sont tombés, comme celui-ci : « les modalités et le contenu de ces rendez-vous sont adaptés aux besoins et aux facteurs de risque du citoyen et de la citoyenne, notamment les évènements de santé spécifiques du corps féminin, les cancers spécifiques, ménopause ou encore ostéoporose. » Il semble que le Sénat ait estimé que ce n’était pas à la loi de préciser les contenus des consultations de prévention. Ce positionnement se comprend. Le législateur n’a pas vocation à en définir précisément le contenu. C’est le rôle des sociétés savantes ou des autorités de santé, voire des professionnels eux-mêmes.
Si le législateur reste vague, il n’est pas interdit de coordonner des actions concrètes en faveur de la santé des femmes. Et face aux "inégalités prouvées", développer une « Stratégie nationale santé de la femme » est indispensable. Après tout, il existe des programmes et des plans nationaux sur de nombreuses thématiques de santé, et les femmes représentent 50 % de la population.
Quelles sont ces "inégalités prouvées" ? D’abord le manque d’argent est le premier frein à l’accès aux soins et concerne majoritairement des femmes. Ensuite ? Les préoccupations quotidiennes, ou charge mentale des femmes, arrivent en deuxième position car elles freinent les préventions et les prises de rendez-vous. Viennent ensuite, les tabous ; ou encore, les biais genrés du côté des soignants et le sexisme intégré du côté des patientes avec la banalisation de signes cliniques jugés normaux car typiquement féminins. Quant à la recherche fondamentale, elle est trop peu développée sur les maladies féminines. Le manque de données genrées ? Il doit être corrigé et la data étudiée.
Face à ce constat sidérant, une lettre ouverte au gouvernement, signée par près de 700 actrices et acteurs de santé, lancée par le collectif Femmes de Santé, dresse les contours d’une telle stratégie, pilotée par un Institut, guichet unique de la santé des femmes. Ses deux premiers principes sont révélateurs d’un changement de paradigme.
D’abord, l’insertion de la notion de singularité des femmes dans tout dispositif public ou privé de santé, revient à avoir une approche genrée de toute la politique de santé ; une approche décriée par certaines branches féministes qui réfutent une approche biologiste de l’égalité. En droit, l’égalité stricte se conçoit aisément ; en santé, l’équité est indispensable pour lutter contre les inégalités liées aux biais genrés du système de santé et aux différences biologiques, qui sont un fait scientifique irréfutable.
Le second volet de cette stratégie consiste à y inclure tous les acteurs de la société, y compris les employeurs non issus de la santé. Ainsi, la Santé de la femme s’insère dans la RSE au même titre que la réduction des impacts environnementaux. Avant Covid, la Santé n’était pas une priorité des entreprises, alors la santé de la femme… Quant à l’égalité professionnelle, elle était une contrainte ; c’est désormais un « must have ». Mélangez santé et égalité, et vous obtenez la santé des salariéEs, désormais un atout RH aligné avec la priorité présidentielle (l’égalité) et celle du ministre de la Santé (la santé de la femme). Pour les hôpitaux, désespérés de trouver des personnels soignants, l’attractivité est une priorité. Avec 70 % de la profession féminine, se préoccuper de la santé des soignantes est un bon argument. Pour les mutuelles et les assurances, la santé des femmes devient un argument indispensable pour remporter les marchés « employeurs » publics ou privés. Quant à la multiplication des communications institutionnelles en faveur de la santé des femmes, est-ce du Women Washing ? Oui, quand il s’agit de faire de quelques microfinancements d’initiatives à la mode, afin de bénéficier d’effets d’annonces sans réelles pérennisations des engagements. Non, quand il s’agit de véritables politiques portées par une direction générale sincère et volontaire, dans le cadre de sa RSE… Bref, la santé de la femme n’a pas fini de faire parler d’elle.
Prévention, vous avez dit prévention ?
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Seulement 5 % ?