L’AVC est une pathologie très sévère, dont l’incidence augmente. En France, une personne est victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) toutes les 4 minutes, soit près de 150 000 AVC chaque année. L’AVC est la première cause de mortalité chez la femme devant le cancer du sein, la troisième chez l’homme et la première cause de handicap acquis chez l’adulte dans le monde. Les AVC sont des pathologies graves qui peuvent toucher des patients à tout âge, et un patient sur cinq décédera dans l’année suivant l’AVC.
Malgré les importants progrès dans l’accès aux soins et les innovations thérapeutiques, certains patients restent encore pris en charge trop tardivement, entraînant des séquelles sévères et un handicap majeur pour 70 % des survivants. Le coût de la prise en charge de l’AVC et du handicap post-AVC est très lourd pour l’Assurance maladie qui l’a estimé au-dessus de 8,5 milliards d’euros. Il est anticipé qu’en raison du vieillissement de la population et de la sédentarisation que le nombre d’AVC progressera de presque 70 % d’ici à 15 ans en Europe, avec des coûts médico-économiques et psycho-sociaux majeurs.
Dans ce contexte, et depuis 2015, plusieurs études scientifiques internationales ont validé une innovation majeure pour le traitement de l’AVC appelée « thrombectomie mécanique » (TM). Cette technique mini-invasive consiste, grâce aux progrès de la radiologie interventionnelle, à retirer le caillot responsable de l’AVC directement par l’intérieur des artères cérébrales. Lorsque la TM est réalisée rapidement après le début des symptômes, elle permet de limiter très fortement le handicap et la mortalité.
Le contexte d’urgence vitale et immédiate de ces interventions a profondément modifié le cadre et les conditions de travail des équipes de neuroradiologie interventionnelle jusqu’alors organisées pour le traitement des malformations vasculaires cérébrales (comme les anévrismes intracrâniens). De plus, la nécessité de pouvoir offrir la TM de manière équitable dans tous les territoires de santé des régions Françaises a également imposé une adaptation des filières de soins, la mise en place de nouveaux centres de traitement et l’augmentation des capacités de formation.
Suivant les recommandations de la Société Française de Neuroradiologie, alliée à la Société Française de Neurologie Vasculaire, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié en 2016 un rapport d’évaluation technologique sur la TM. L’optimisation de la couverture territoriale et la gestion des moyens humains ont été confiées au Comité national TM du ministère des Solidarités et de la Santé, résultant début 2022 en la publication de plusieurs décrets qui encadrent désormais la pratique de cette intervention dans les CHU et les grands centres hospitaliers de territoire.
Un plan d’urgence nécessaire
Bien que cette nouvelle organisation ait permis de réaliser chaque année plus de 7 000 TM depuis 2019, l’activité stagne actuellement. En Allemagne plus de 20 000 patients victimes d’AVC ont bénéficié d’une TM en 2021. En France, on compte 46 hôpitaux qui pratiquent la thrombectomie, soit un centre pour 1,4 million d’habitants. Par comparaison, l’Allemagne compte 201 centres de TM, soit 1 centre pour 0,4 million d’habitants. Nous sommes donc trois fois moins performants que l’Allemagne pour le traitement par TM des AVC, pour une raison principale : l’absence de création de postes de neuroradiologues interventionnels en CHU et en CH.
L’augmentation majeure de cette activité d’urgence extrême s’est donc faite en France à effectifs quasi constants, mettant les équipes en difficulté, notamment pour les nuits et les week-ends. Dans un contexte de perte d’attractivité grandissante de l’hôpital public, il est crucial de noter que l’effort de formation est à la hauteur, avec des internes et des assistants chefs cliniques en nombre, pour lesquels nous ne pouvons proposer de postes au terme de leur formation. Sans renforts de postes pérennes, nous sommes entrés dans un cercle vicieux dans lequel se dégradent simultanément la qualité des soins, l’attractivité pour les jeunes praticiens, et les effectifs des équipes en place en raison de multiples départs de praticiens expérimentés. De meilleures conditions de travail et une optimisation des gardes de ces équipes permettraient d’obtenir, pour le bien des patients, une bien meilleure qualité et sécurité de soins. Ainsi, l’Allemagne avec plus de 300 praticiens actifs en thrombectomie traite trois fois plus de patients que nous, qui peinons à maintenir un effectif de 150 praticiens titulaires.
Pour pouvoir continuer à développer l’offre de soins en TM pour les patients victimes d’AVC et accompagner le déploiement de nouveaux sites de thrombectomie, nous réclamons solennellement aux tutelles concernées la création de postes de praticiens hospitaliers et hospitalo-universitaires dans les services pratiquant la thrombectomie afin de renforcer les équipes de neuroradiologie interventionnelle.
Cette situation est de plus en plus préoccupante, les associations de patients s’indignent et nous recevons un nombre croissant de plaintes des familles de patients victimes d’un défaut ou d’un retard d’accès à la thrombectomie mécanique dans les territoires les plus éloignés. Les conséquences d’un manque de postes hospitaliers, pour les jeunes praticiens ayant fait l’effort d’une formation longue et hyperspécialisée, sont dévastatrices. Il faut des postes pour les jeunes. Il en va de la sécurité et de l’équité d’accès aux soins pour les patients victimes d’AVC dans notre pays, et, à terme, d’un surplus de handicap évitable.
Exergue : Nous sommes dans un cercle vicieux dans lequel se dégradent la qualité des soins et les effectifs des équipes en place
C’est vous qui le dites
« Il ne sert à rien d’ajouter une année d’étude supplémentaire » pour devenir médecin
Cachez cette femme que je ne saurais voir
Appendicite et antibiotiques
La « foire à la saucisse » vraiment ?