Plusieurs syndicats médicaux déçus du Ségur : à l'hôpital comme en ville, un compromis qui n'a pas convaincu tout le monde

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Publié le 13/07/2020
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Crédit photo : S.Toubon

« La montagne a accouché d'une souris. Nous sommes extrêmement déçus », a résumé ce lundi à propos du Ségur de la santé le Dr Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF). Comme l'intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) − qui regroupe Avenir hospitalier et la Confédération des praticiens des hôpitaux − et Jeunes Médecins, le syndicat des urgentistes dénonce l'insuffisance du protocole d'accord sur les rémunérations des médecins hospitaliers (qui prévoit une enveloppe de 450 millions d'euros).

Entrées de carrière, temps travaillé : deux épines majeures

Après sept semaines de travaux, le signal envoyé par le gouvernement à travers le compromis paraphé par trois autres syndicats de médecins hospitaliers (CMH, INPH et SNAM-HP) est jugé « loin du choc d'attractivité » espéré pour l'hôpital. « Cet accord va permettre une revalorisation pour les fins de carrière mais il n'y a rien de suffisant pour les débuts de carrière ! Si on veut que les jeunes s'engagent dans l'hôpital public, le salaire d'entrée devrait être à 5 000 euros net. Il manque aujourd'hui 1 000 euros », se désole le Dr Jean-François Cibien, vice-président d'APH. « Les débuts de carrière sont sacrifiés », abonde Lamia Kerdjana, vice-présidente de Jeunes médecins.  

L'autre oubli rédhibitoire pour les syndicats de PH hostiles à cet accord porte sur le décompte du temps travaillé et des nombreuses gardes de nuit. Les syndicats réclamaient la reconnaissance d’un découpage de la journée de 24 heures en cinq plages (ou demi-journées) authentifiées pour le décompte de la permanence des soins. « Malheureusement le gouvernement ne nous a pas suivis car cette mesure coûterait 180 millions. C'est inacceptable car c'est un élément majeur d'attractivité des carrières », dénonce Jacques Trévidic, président d'APH.

Iniquité

Enfin, les syndicats non-signataires déplorent le refus d'aligner la rémunération des gardes des PH sur le tarifs des hospitalo-universitaires. « Actuellement, les PH sont payés 16 euros de l'heure, soit 269 euros brut pour la garde. Nous demandons que cela soit porté à 650 euros », ajoute Jacques Trévidic. « Comment accepter autant d'iniquité entre les jeunes médecins et les plus âgés, entre les universitaires et les non universitaires », résume le Dr Lamia Kerdjana (Jeunes médecins).

Les mesures adoptées ne sont majoritaires « ni chez les jeunes, ni chez les milieux de carrière, ni chez ceux qui prennent des gardes », cingle le Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du SNPHARe (Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi). Certains syndicats espèrent toujours un deuxième round de négociations à l'automne sur les carrières médicales hospitalières et le temps de travail.

La médecine de ville renvoyée aux négos...

À ce stade, les syndicats de praticiens libéraux sont également loin de l'euphorie. Selon le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, plusieurs « recommandations » annoncées lors de la séance de clôture devront être suivies de près – forfaits pour le suivi des pathologies chroniques, dotation populationnelle, participation des libéraux à la gouvernance des hôpitaux de proximité, outils numériques, service d'accès aux soins (SAS) avec organisation départementale… « Nous sommes toujours au milieu du gué, déplore le néphrologue. J’attends l’ouverture de négociations conventionnelle à la rentrée avec des moyens conséquents pour concrétiser les recommandations issues du Ségur pour la ville. »

Cette revendication est partagée par MG France. « Il y a eu un effort significatif pour le personnel des hôpitaux alors que la ville a été elle aussi très présente pendant la crise sanitaire. Les généralistes sont en droit de s'interroger sur leur rémunération. Nous mesurerons l’engagement du gouvernement envers les soins de ville en fonction de l'ouverture dès septembre d'une négociation conventionnelle et des moyens octroyés », résume le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat de généralistes.

Pour le SML, il y a clairement deux poids, deux mesures. « À force de dire qu’à l’hôpital, les médecins seront mieux payés, il va y avoir des appels d’air et les jeunes ne s’installeront plus en ville », lance-t-il. La nouvelle présidente de la FMF, le Dr Corinne Le Sauder, ne mâche pas ses mots. « Les libéraux n'ont pas été entendus. La santé est sur deux jambes. Quand on valorise d’un côté, on doit aussi valoriser de l’autre. » Des arbitrages financiers devraient être annoncés dès jeudi prochain par Olivier Véran pour la médecine de ville. 


Source : lequotidiendumedecin.fr