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Dossier

Mouvement social

Qui sont ces généralistes prêts à en découdre ?

Publié le 29/11/2013

Et si les frondeurs parvenaient à faire plus recette que les syndicats ? C’est le pari que vont tenter la semaine prochaine ceux qui se dénomment déjà « les bonnets blancs ». Des généralistes mais aussi plusieurs spécialistes du Collectif de mars iront manifester lundi à l’appel, notamment, des « médecins pigeons » de l’UFML. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs revendications ? Portraits.

Seront-ils, eux aussi, coiffés d’un bonnet rouge ? « Si on en porte, ce sera plutôt des bonnets blancs… Mais on fera autre chose. » À quelques jours de la mobilisation du Collectif de mars qui doit se tenir lundi à Paris, le leader de la FMF, Jean-Paul Hamon, entretient le suspense. Après les enseignants, les agriculteurs, les cavaliers et leurs poneys, la grogne aurait-elle gagné les médecins ? Retour en arrière. Le 9 novembre dernier les médecins pigeons de l’UFML rassemblent près de 300 professionnels de santé à l’hôpital Cochin, à Paris, lors d’une réunion de crise qui se révèle fructueuse. Remise à plat des demandes des uns et des autres. Comme le raconte son président Jérôme Marty, « c’est à cette occasion que le Collectif de mars a été créé ».

À ce jour, le patchwork compte pas moins de 16 bannières différentes. Les médecins sont représentés au sein de cinq d’entre elles : la FMF, les médecins d’Aix du SMAER, ceux de la CSMVO du Val-d’Oise, la FML (les fidèles de l’ex-président de la FMF, Jean-Claude Régy) et, bien entendu, l’UFML. Mais il y a aussi des kinés, des dentistes, des radiologues, des biologistes, des opticiens, des pharmaciens… C’est peu dire que l’ensemble est hétéroclite. Ce qui ne semble pas inquiéter son meneur, le généraliste Jérôme Marty, dont le but est de réunir, autour d’un objectif commun, le plus possible d’associations, fussent-elles très différentes les unes des autres. Aux dernières nouvelles, les sages-femmes en colère seraient d’ailleurs les bienvenues, si seulement elles se décidaient à répondre…

« Ici, on soigne moins cher qu’en face?»

Jean-Paul Hamon ne s’est pas fait prier, lui. Nostalgique du bon vieux temps des coordinations et des grèves des gardes, galvanisé par le vent de colère qui souffle, ces derniers temps, sur l’Hexagone, il avoue « rêver depuis des années de tout mettre sur la table ». La banderole est déjà prête : « Ici on soigne moins cher qu’en face ». En face, où ? À l’Hôtel Dieu de Paris, où le Collectif voudrait planter sa tente et tenir conférence de presse le 2 décembre. « Mais on pourrait bien finir devant le ministère », prévient le Dr Marty. Ce lundi signera le coup d’envoi de la contestation ainsi que de la préparation de la fameuse « semaine blanche » annoncée par les protestataires du 17 au 23 mars prochain et qui sera, si rien ne bouge, renouvelable. « Qu’ils ferment leurs cabinets et que les Français s’habituent à une France sans médecins libéraux ! », s’ enflamme le généraliste de Clamart.

Déjà, en novembre 2012, pour marquer son opposition à l’avenant 8 qu’il venait pourtant de parapher, le leader de la FMF avait appelé à la fermeture des cabinets et à manifester devant le ministère de la Santé, rejoignant ainsi le mot d’ordre des « médecins pigeons ». Son complice Claude Bronner souhaite que la grogne prenne de l’ampleur : « L’idée est de faire comme les sages-femmes. Parti assez petit le mouvement a cristallisé… Et il tient bien ! » Objectif : faire pression sur le gouvernement pour qu’il « accélère le calendrier » et investisse sur la médecine libérale. Lui aussi à la FMF, Marcel Garrigou-Granchamp s’imagine de l’autre côté de la barrière : « Si j’étais au gouvernement, dit-il, je lâcherais un peu de lest sur le C ». Tiers payant généralisé, tarifs au plus bas de l’échelle européenne, independance de leur caisse de retraite... Pour les médecins en colère les motifs de ras-le-bol ne manquent pas. En cause aussi : « les impôts, les charges du cabinet, l’EDF, la TVA… » Une augmentation du coût de la vie qui n’est pas spécifique aux professionnels de santé… En secteur 2, le Dr Garrigou-Grandchamp a sorti sa calculette : ses frais de cabinet atteignent 56 000 euros cette année contre 45 600 l’année dernière soit une augmentation de 20 % en moins d’un an !

Le mouvement de protestation pourrait bien prendre la forme d’un arrêt de la télétransmission mais aussi déboucher sur une contestation tarifaire. Union Généraliste suggère que les médecins demandent 2 euros de plus au minimum par acte à reverser à une association caritative. Mais rien n’est encore acté.

En tout cas, les frondeurs peuvent d’ores et déjà compter sur l’appui d’un avocat de taille : le président de leur Caisse de retraite ! Invité d’honneur de l’AG des pigeons à Cochin, Gérard Maudrux les soutient ouvertement. « Je suis solidaire de ce mouvement », déclare-t-il. « Monter une coordination... j’ai fait la même chose en 1991 », raconte-t-il, évoquant les manifestations organisées cette année-là par « Action Santé ». Seul hic : à l’inverse d’un syndicat, une coordination est, par définition, non structurée... Conseil du patron de la CARMF : « Il faut qu’ils s’unissent dans une seule structure pour être efficaces ! » Feront-ils plus recette que les centrales syndicales ? Une chose est sûre en tout état de cause : deux clans viennent de se créer.

Le côté libertaire du mouvement est peut-être ce qui a séduit beaucoup d’entre eux. Avant de « liker » la page Facebook des médecins pigeons et de devenir, par la suite, secrétaire général de l’UFML, la branche politique du mouvement, Jean-Claude Ghaleb n’avait jamais été syndiqué. « Le mouvement peut dire des choses que les syndicats ne disent pas », souligne-t-il. L’Unof-CSMF réclame un C à 25 euros ? Les médecins de l’UFML renchérissent en prônant un C à 40 voire 45 euros ! Le gel des honoraires serait à l’origine, selon le Dr Ghaleb, d’expatriations volontaires. Depuis son cabinet à la frontière franco-suisse, le généraliste a pu constater que certains confrères preferaient « démenager à trois kilomètres et percevoir des revenus multipliés par quatre ou par cinq ».

« Un électrochoc avant les municipales »

Pour sa part, Serge Larcher met en avant la désertification médicale. Il est généraliste dans une petite ville du Val-d’Oise, là où la pénurie de jeunes praticiens est la plus aiguë d’Ile-de-France et où les généralistes libéraux repoussent la date de leur repart à la retraite. Et la chambre syndicale du Val-d’Oise (CSMVO) dont il est président depuis deux ans regroupe tous les syndicats libéraux. La moitié des 450 adhérents ne sont inscrits à aucun syndicat. Le Dr Larcher est adhérent à la FML, syndicat qui a été crée, après le départ de la FMF des fidèles de Jean-Claude Régy. « Quand j’ai vu l’importance du mouvement que prenait l’UFML, j’ai proposé à leur délégué du Val-d’Oise de rentrer dans notre chambre syndicale pour mener des actions ensemble. » C’est désormais chose faite. Les « bonnets blancs », comme il les appelle, « ne vont rien casser » mais, promet-il, « une semaine avant les Municipales ce sera un électrochoc ». Adepte des formules coup de poing, le Dr Larcher n’y va pas par quatre chemins et n’hésite pas à qualifier la façon d’agir des Caisses de « méthode mafieuse ». Le tiers payant généralisé ? « Une hérésie. » Que veulent-ils donc ces médecins en colère? « Qu’on nous laisse tranquille ! Qu’on arrête de nous emm... ! »