L'actuel zonage des Agences régionales de santé (ARS), qui détermine les zones géographiques en difficulté d'accès aux soins a-t-il vocation à évoluer ? C'est en tout cas ce que suggère une étude menée par l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) et l'Observatoire régional de santé (ORS) Ile-de-France.
Les chercheurs mettent en avant l'intérêt de décliner des méthodes de calcul différenciées de ces zones dépourvues de médecins généralistes selon les spécificités de chaque territoire. Pour rappel, actuellement, le zonage s'effectue avec un même indicateur national : l'accessibilité potentielle localisée (APL). Cette mesure prend en compte le temps d'accès au praticien, l'activité et le nombre de consultation de chaque médecin et la demande de soins par rapport à l'âge de ses habitants.
Caractéristiques locales
Le focus de l'étude a été réalisé sur l'Ile-de-France. « Parce qu'elle est globale et nationale, elle (la méthode actuelle) peut lisser ou gommer certaines caractéristiques propres à une région comme l'Ile-de-France, très fortement urbanisée, particulièrement dense, multipolarisée et socialement clivée », indiquent les auteurs.
L'étude a notamment identifié 6 indicateurs qui permettraient d'affiner le zonage en Ile-de-France en se basant sur la méthode « Two-step floating catchment area » (2SFCA) tirée de la littérature internationale. Les voici :
1. Indicateur géographique : Le passage d'un indicateur communal à une échelle infracommunale avec un maillage de 200 mètres modifierait les résultats et permettrait de mettre en évidence des différences d'accessibilité non plus par commune mais par quartier.
2. Indicateur d'activité des praticiens : Les médecins sont de plus en plus nombreux à choisir un exercice mixte, multi-sites ou à temps partiel. Le calcul du zonage doit en tenir compte selon l'étude. Les volumes d'offre de soins varient ainsi notablement si on prend en compte ces évolutions. C'est notamment le cas à Paris où l'offre varie de 1 400 à 830 médecins si on tient compte de leur activité.
3. Indicateur social : Prendre en compte l'âge de la population et sa situation sociale fait évoluer les résultats selon l'étude. Par exemple, les besoins d'accès aux soins augmentent de respectivement 4 et 2 % à Paris et dans les Hauts-de-Seine si on prend en compte l'âge des habitants et l'intégration d'un indicateur de dimension sociale fait augmenter de 9 % les besoins en médecin généraliste en Seine-Saint-Denis.
4. Indicateur de mobilité : Les modes de transport en Ile-de-France sont très variables. L'usage de la voiture pour se rendre sur le lieu de soins varie par exemple de 9 % à Paris à 30 % dans les communes denses de la petite couronne voire à 84 % dans les agglomérations les plus éloignées de la Grande couronne. Prendre en compte la « multimodalité » des déplacements permet d'affiner localement de diagnostic d'accès aux soins selon les auteurs.
5. Indicateur de proximité des autres généralistes : Il s'agit de l'indicateur qui modifie le plus le diagnostic territorial. Prendre en compte les offres alternatives en médecine générale potentiellement disponibles aux alentours modifie sensiblement les résultats.
6. Indicateur de complémentarité avec les autres spécialistes : Un déficit de médecin généraliste n'a pas le même impact en fonction de l'offre alternative existante en médecins de premier recours (Gynécos, pédiatres ou psychiatres) qui existe en parallèle. Si l'accès à ces spécialistes est pris en compte, les besoins d'accès aux soins sont profondément modifiés selon l'étude.
Résultats de l'étude en images :
Sources : Insee, opendata Drees, Sniiram 2015, Cnam, Irdes/Agence de biomédecine, Ile-de-France mobilités, IAU IDF - Traitement ORS/Irdes
Reste à savoir si les pouvoirs publics souhaiteront s'emparer de cette étude afin de faire évoluer la méthode actuelle de définition du zonage (APL), utilisé depuis fin 2017. Depuis plusieurs mois, certains professionnels de santé ont fait remonter des dysfonctionnements dans les cartes actuelles. Les Hauts-de-France, la commune de Saint-Gaudens en Haute-Garonne et plus récemment les médecins de garde de l'Oise sont montés au créneau pour demander une actualisation du zonage des ARS.
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