Les sénateurs s'unissent face aux déserts médicaux. Lors de l'examen en première lecture du projet de loi Santé au Palais du Luxembourg, les sénateurs ont adopté un dispositif « transpartisan », pour lutter contre la désertification.
Dans la nuit de lundi à mardi, le Sénat a voté, par 311 voix contre 16, des amendements de sénateurs LR, PS et Indépendants, proposant que les internes en médecine générale (et certaines autres spécialités déficitaires comme l'ophtalmologie) effectuent une année de pratique « en autonomie » en cabinet ou en maison de santé lors de leur dernière année d'études — la « 3e année actuellement, probablement 4e année dans un futur proche », est-il précisé — en priorité dans les zones sous-denses.
« C'est un honneur » pour le Sénat d'avoir su se mettre d'accord « sur un texte aussi important », a souligné le rapporteur Alain Milon (LR), médecin généraliste de formation.
Avis défavorable de Buzyn et Vidal
Présentes lors de la séance, Agnès Buzyn et Frédérique Vidal se sont déclarées « défavorables » à cette proposition. « Nous nous éloignons d'un processus de formation », a regretté la ministre de la Santé, pour qui la notion d'« autonomie » conduit à un « quasi exercice ».
La ministre de l'Enseignement supérieur a, quant à elle, placé les élus face à leur « responsabilité », leur laissant la tâche d'expliquer aux territoires que « des médecins dont la formation est amputée d'un an » sont « une solution suffisamment bonne » pour eux.
Les étudiants furieux
Mardi matin, l'Anemf, l'Isni et l'Isnar-IMG, qui n'ont pas été concertés, sont montés au créneau. Les associations d'étudiants dénoncent cette mesure, estimant que l'internat de médecine générale se verrait « privé par les sénateurs de d'une de ses années de formation, au mépris de tout principe pédagogique nécessaire à une prise en charge complète et optimale de la population ».
Les futurs praticiens font également valoir que les maquettes de formation sont telles qu'elles permettent une « autonomisation progressive » des étudiants. « Il est inacceptable de brader la formation des futurs médecins pour répondre aux problématiques d'accès aux soins, engendrées par des erreurs politiques d'il y a 30 ans », clament l'Isnar-IMG, l'Isni et l'Anemf.
Surtout, cette année « sans aucune supervision et sans la moindre plus-value pédagogique » dévaloriserait « encore plus l'exercice de la médecine générale » et « [détournerait] les internes de l'exercice ambulatoire », préviennent les organisations.
« La professionnalisation n'est pas le sacrifice de la formation »
Au Sénat, seul le groupe CRCE, à majorité communiste, s'est opposé à ces amendements, estimant que les hôpitaux manquaient aussi de médecins.
Ce dispositif, résultat d'« une démarche concertée », « ne règle pas tous les problèmes, mais apporte une réponse efficace et rapide » à la pénurie de médecins, a fait valoir Yves Daudigny (PS). « Il y avait besoin d'un choc », a-t-il ajouté. La mesure permettrait de « déployer plusieurs milliers de professionnels de santé sur l'ensemble du territoire très rapidement ».
La dernière année de médecine « deviendrait ainsi une année professionnalisante hors hôpital, dans les territoires, a défendu Corinne Imbert (LR). La professionnalisation n'est pas le sacrifice de la formation, au contraire elle fait partie de la formation. »
« Ils ne seront pas lâchés seuls dans la campagne (...) ils auront des relais », a plaidé Daniel Chasseing (Indépendants). Le sénateur généraliste Michel Amiel (LREM) s'est associé à ces amendements « raisonnables », qui « permettent d'entrouvrir les portes sans pour autant apporter des mesures coercitives ».
(Avec AFP)
[Article mis à jour le 04/06 à 14:11]
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