La fraude sociale consiste dans le détournement intentionnel de l’effort des Français, c’est-à-dire les cotisations sociales de l’objectif initial de protection sanitaire et sociale au profit d’intérêts particuliers illicites. Cela peut être des arrêts de travail prescrits indûment, des surfacturations de transport sanitaire, la création de sociétés fictives afin de percevoir des indemnités de licenciement de personnels fantômes. La nature même et l’ampleur de dévoiement de la solidarité nationale appellent une action volontariste que l’outil informatique peut aider à traiter.
Coût de la fraude : 25 milliards d’euros
La Cour des comptes estime le coût de la fraude sociale pour la société à 25 milliards d’euros, alors que les contrôles n’ont objectivé que les 636 millions d’euros de la partie émergée de l’iceberg. Pour la branche famille et pour les seuls RSA et APL, le manque à gagner pour l’État s’élève à 1 milliard d’euros. Le déficit de la Sécurité sociale s’établit cette année à 14 milliards. On mesure, dès lors, tout le chemin à parcourir et toute l’injustice créée à l’endroit des patients, en pertes de chance médicale à cause de ces agissements illégaux. La fraude est légalement répréhensible, mais la fraude sociale, au motif qu’elle frappe notamment les plus faibles et les plus fragiles de nos concitoyens a de quoi susciter colère et indignation. Il faut punir de la façon la plus sévère ce genre de comportements asociaux.
Mon combat
Mon combat ne date pas d’aujourd’hui et j’œuvre depuis près de dix ans à l’interconnexion des fichiers informatiques pour mettre au jour ces malversations par échange automatisé d’informations. Hélas, ce pays est un peu arthrosique du fait de son âge qui induit des rigidités et des limitations de l’action, fût-elle vertueuse. On se trompe de combat lorsque le contrôle est idéologiquement assimilé à la chasse aux patients ou aux pauvres. On devrait d’ailleurs parler de recherche de conformité. Ma réponse aux détracteurs de mes convictions est simple. On peut sans doute accompagner, soulager ou soigner beaucoup de monde avec 25 milliards d’euros.
Chacun pour tous
Si les moyens financiers représentent une variable du problème, on doit à la vérité de dire que nous devons faire face à certains archaïsmes administratifs, des corporatismes, des luttes entre services. Il faut en fait une volonté politique pour rationaliser et optimiser les ressources informatiques. Et l’effort n’est pas si grand alors que le bénéfice pour tous est immense. J’ai fait voter un texte législatif sur l’interconnexion des fichiers en 2006 et je n’ai vu sortir les décrets que quatre ans après. Je crois que l’on confond ici et dans ce cas précis, la peur d’un Big Brother avec un outil de Big justice sociale. C’est encore chacun pour soi alors que ce devrait être chacun pour tous.
Risques peu dissuasifs
Par ailleurs, les risques pour les fraudeurs sont peu dissuasifs. Seuls 10 à 15 % des bénéficiaires des sommes indûment perçues sont sanctionnés. Dans ce pays, nous avons une fâcheuse tendance à penser qu’une loi votée est une loi appliquée. Ce n’est pas le cas, et notamment s’agissant du sujet qui nous occupe ici. Ce monde change, le numérique est la composante stratégique d’une mutation sans précédent. La puissance du calcul intelligent, Big Data et autre Smart Analytics, peut et doit être mise au service de la solidarité qui est notre bien commun depuis Pierre Laroque en 1945. Pour ceux qui ont peur du caractère « totalitaire » de l’action de l’État, on rappellera que la France a mis en place des outils indépendants de grande valeur telle la Cnil, reconnue internationalement.
Après tant d’efforts, après le progrès que fut l’avènement de la Sécurité sociale par le Général de Gaulle, il serait insupportable que nous fussions passés du Général au particulier.
* président de la mission d’évaluation et de contrôle des lois et de financement de la Sécurité sociale et vice-président du groupe d’étude numérique et santé, Assemblée nationale. Série sous la direction de Jean-Pierre Blum.
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