Le Quotidien du Médecin. Comment l'Intelligence Artificielle (IA) utilise-t-elle les Big Data ?
Dr Milka Maravic. Si l'IA fait référence aux techniques utilisant les machines pour remplacer certaines tâches humaines nécessitant une certaine intelligence, les Big Data désignent à la fois la quantité de données disponibles et les techniques nécessaires pour les traiter. L'émergence de l'IA est possible, grâce à la quantité de données disponibles, associée à une puissance accrue de calculs des microprocesseurs et des capacités de stockage.
En quoi consiste l'IA dans la pratique ?
L'IA repose sur des algorithmes visant à élaborer des probabilités à partir d'un jeu de données, utilisées pour entraîner la machine, selon la question initiale posée. Il s'agit d'un apprentissage automatique qui permet de transformer des données brutes en représentations appropriées à partir desquelles l'algorithme d'apprentissage apprend à détecter des modèles. En pratique, l'IA est une technique qu'il faut savoir envisager par rapport à un projet donné.
Et demain ?
Il sera impératif de prendre en considération les contraintes sur les données. Leur degré de structuration, voire d'annotation, représentera un gain de temps. Il faudra veiller à ce qu'elles ne soient pas périmées et présentes en quantité suffisante pour disposer d'une hétérogénéité. Ces données ne devront pas entretenir des biais existants, comme les inégalités homme/femme, ou en créer de nouveaux. Leur délai de mise à disposition sera crucial pour permettre une analyse en temps réel. S'agissant de données de santé sensibles par nature, le respect du règlement général de protection des données est crucial. Enfin, avoir mis en place un algorithme ne veut pas dire qu'il sera validé ad vitam aeternam.
Comment les rhumatologues pourront-ils utiliser l'IA ?
Cette spécialité sera probablement moins confrontée dans l'immédiat que d'autres, à l'instar de la radiologie, l'ophtalmologie, la dermatologie et l'anatomie pathologique… L'IA permettra aux praticiens de libérer du temps pour se consacrer davantage à leurs patients afin de mettre en œuvre une médecine des « 4P » (préventive, personnalisée, prédictive et participative). L'IA, sans empathie aucune, ne remplacera donc pas le médecin mais mieux vaudra se l'approprier pour exercer demain. Qui ne rêverait d'en disposer en consultation, au fur et à mesure que les symptômes et les données de l'examen clinique sont formalisés, des données complétées de résultats biologiques et iconographiques (actuels ou passés) ? Tout ceci associé à une récupération du résultat de l'analyse du génome, à la synthèse de l'historique médical et de la consommation de soins du patient, aux outils d'aide au diagnostic, à la prescription médicamenteuse et à la prise en charge adaptée à la réalité du patient (incluant également les données de son environnement et mode de vie), voire à la détection du risque de survenue de certaines pathologies ou la prévention de certaines complications ! Il existe, certes, des difficultés pratiques à résoudre, liées à l'interopérabilité des logiciels, à la structuration de la donnée, aux autorisations d'accès aux informations… Disposer d'une synthèse du contexte du patient dans le dossier partagé, n'est, certes, pas encore pour aujourd'hui mais le sera sans doute pour demain.
Quid de la recherche ?
La recherche est un autre domaine de prédilection de l'IA. Un exemple a été présenté lors du dernier congrès de la Société française de rhumatologie par l'équipe du Pr Saraux utilisant le programme BIBOT : une synthèse de l'analyse bibliographique réalisée sur une thématique donnée, comparée à la recherche manuelle réalisée dans PubMed. Et ceci, sur la thématique de la prévalence des atteintes cutanées, au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif. Ainsi, la recherche et l'analyse structurée en tableaux avec BIBOT se sont révélées non seulement plus performantes mais aussi source de gain de temps car réalisée en seulement deux jours. En recherche fondamentale, dans la mesure où elle analysera toutes les données, elle permettra aussi d'identifier la molécule idéale à développer pour une pathologie donnée.
S'approprier la culture numérique tout en préservant sa dimension humaine et relationnelle avec son patient sera la réalité du rhumatologue de demain, qui pourra ainsi passer le témoin à la génération future.
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