Le développement d'outils informatiques capables de traiter des masses de données très volumineuses (le « big data »), qui dépassent les capacités humaines et celle des outils classiques, ouvre d'immenses perspectives, en particulier dans le domaine médical. Trois études récentes illustrent bien le potentiel de l'analyse du « big data » en rhumatologie, en particulier pour l'étude des pathologies auto-immunes rares.
Lupus, la plus fréquente des maladies rares
Première étude dans le lupus systémique, maladie auto-immune rare dont l'épidémiologie était jusqu'alors mal précisée en l'absence d'analyse sur tout le territoire. « En se basant sur le Système national des données de santé (SNDS), qui collige les dépenses de santé, il a été possible de réaliser la première étude épidémiologique à l'échelle du pays », rapporte le Pr Laurent Arnaud (1). En 2010, sur un total de près de 58 millions d'habitants, plus de 27 000 personnes étaient traitées pour un lupus systémique en France. Soit une prévalence de 47/100 000, juste au niveau du seuil de définition des maladies rares fixé à 50/100 000. « Le lupus systémique est ainsi l'une des plus fréquentes des maladies rares, donnée qui peut avoir un impact sur l'organisation des systèmes de santé », estime le Pr Arnaud. Dans la foulée de cette étude, la filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares (FAI²R) lance un grand projet d'analyse du big data pour l'ensemble des maladies auto-immunes rhumatologiques.
Maladies rhumatologiques, seconde cause d'années de vie vécues avec un handicap
Deuxième exemple des applications du big data en rhumatologie avec une étude en cours de publication sur le rang occupé par les maladies de l'appareil locomoteur sur la morbidité au niveau mondial. « Avec Eden Sebbag, interne dans mon équipe, nous avons analysé les données de 183 pays dans la base de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), explique le Pr Laurent Arnaud (2). Nous avons ainsi montré qu'en 2015, les maladies rhumatologiques étaient la deuxième cause d'années de vie vécues avec un handicap dans le monde, derrière les maladies psychiatriques ». Ce travail a globalement montré une corrélation entre le niveau socio-économique et le poids des maladies rhumatologiques, poids qui s'est accentué entre 2000 et 2015, particulièrement en Europe, continent où leur retentissement est le plus marqué.
Anti-TNF alpha, premiers responsables de lupus induits
La troisième étude, Mimutox (Monitoring des effets indésirables des traitements immunomodulateurs) porte sur la pharmacovigilance, plus spécifiquement sur les lupus induits par les médicaments, entité qui reste mal connue avec des publications souvent limitées à des cas isolés ou de courtes séries. « Avec le Dr Joe-Elie Salem (Service de pharmacologie, Groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière, Paris), nous avons travaillé à partir de Vigibase, base de l'OMS qui agrège les données des bases nationales de pharmacovigilance », précise le Pr Arnaud (3). Plus de 12 000 cas de lupus induits par des médicaments ont été rapportés et 118 médicaments identifiés. « Depuis la première description d'un lupus induit en 1945, les médicaments en cause ont bien sûr évolué avec la pharmacopée. Et depuis une dizaine d'années, les anti-TNF alpha sont les premiers en cause », indique le Pr Arnaud, qui estime que ce type d'études peut donner des signaux d'alarme à confirmer par d'autres plus spécifiques.
Une prochaine étude, toujours à partir des bases de l'OMS, portera sur la mortalité au cours des maladies systémiques.
L'analyse du « big data » constitue donc un changement d'échelle, et ses applications potentielles sont très prometteuses. Mais ses limites doivent être connues. La qualité des bases est en effet variable d'un pays à un autre, les informations recensées n'ont pas toujours été conçues pour la recherche médicale et le respect de la vie privée reste essentiel.
D’après un entretien avec le Pr Laurent Arnaud, service de rhumatologie des hôpitaux universitaires de Strasbourg, Centre national de référence des maladies auto-immunes systémiques rares.
(1) Arnaud L et al. Autoimmun Rev. 2014 Nov;13(11):1082-9. doi: 10.1016/j.autrev.2014.08.034.
(2) Sebbag E et al. Communication orale P.01, congrès SFR 2018 (Paris).
(3) Arnaud L et al. doi: 10.1136/annrheumdis-2018-214598.
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