Vers un meilleur dépistage du cancer du poumon

Une analyse automatique des scanners via une intelligence artificielle de Google

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Publié le 03/06/2019
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cancer poumon

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Crédit photo : Phanie

« Le cancer du poumon reste la première cause de décès par cancer, ce domaine de recherche est donc extrêmement important car de nombreux défis entravent l'adoption généralisée de son dépistage. Notre travail examine comment l'intelligence artificielle (IA) peut être utilisée pour améliorer la précision et optimiser le processus du dépistage, de façon à faciliter l'instauration des programmes de dépistage. Les résultats sont prometteurs », souligne Shravya Shetty, qui a dirigé l'équipe technique de Google. L'étude est publiée dans la revue Nature Medicine.

Le dépistage du cancer du poumon par tomographie à faible dose permet de réduire de 20 à 43 % la mortalité de ce cancer. Ce dépistage est maintenant recommandé aux États-Unis pour les populations à risque. Toutefois, il existe un taux élevé de faux positifs (imposant des tests inutiles) et de faux négatifs (retardant le diagnostic) et l'accès encore limité au dépistage signifie que bon nombre de cancers sont diagnostiqués à un stade avancé, lorsqu'ils sont plus difficiles à traiter.

Une seule image tridimensionnelle

« Les radiologues examinent en général des centaines d'images bidimensionnelles (ou en coupe) d'un seul scanner, mais ce nouveau système d'apprentissage automatique permet de visualiser les poumons en une seule grande image tridimensionnelle », explique le Dr Mozziyar Etemadi, un anesthésiologiste et ingénieur à l'université Northwestern à Chicago qui cosigne l'étude. « L'IA en 3D peut être beaucoup plus sensible pour détecter le cancer du poumon précoce comparé à l'œil humain regardant des images en 2D. Il s'agit techniquement d'une 4D car le système peut visualiser deux scanners au fil du temps - le scanner actuel et le précédent. Pour construire l'IA permettant de visualiser les scanners de cette manière, il faut disposer d'un système informatique énorme à l'échelle de Google ».

Ce modèle d'apprentissage automatique permettant d'analyser le risque de tumeur sur les tomographies de dépistage du cancer du poumon a été développé en utilisant une base de données incluant plus de 42 000 scanners de 14 851 patients, dont 578 ont développé un cancer pulmonaire confirmé au cours de l'année suivante. Ces patients ont été répartis par randomisation en 3 groupes : un groupe d'entraînement du modèle (70 % des patients) ; un groupe pour l'affiner (15 %) ; et un groupe pour le tester (15 %).

Une exactitude de 94 %

Le modèle se montre capable de détecter des nodules pulmonaires, parfois minuscules, avec une exactitude de 94 % dans 6 716 cas testés. Lorsqu'aucun scanner antérieur n'est disponible, le modèle surpasse les 6 radiologues experts (8 ans d'expérience en moyenne) pour dépister les tumeurs, avec des réductions de 11 % des faux positifs et de 5 % des faux négatifs. Lorsqu'il existe un scanner antérieur, le modèle détecte les nodules aussi bien que les 6 radiologues.

De façon intéressante, ce modèle d'IA de Google peut détecter le cancer à un stade précoce. Chez un patient, le modèle a permis de détecter le cancer sur un scanner réalisé un an avant l'établissement du diagnostic. Cette détection précoce pourrait se traduire par une survie accrue.

« Le système peut catégoriser une lésion avec plus de précision. Non seulement nous pouvons mieux diagnostiquer une personne avec un cancer, mais nous pouvons également affirmer qu'une personne n'a pas le cancer, lui épargnant ainsi une biopsie pulmonaire invasive, coûteuse et risquée », note le Dr Etemadi.

« Ceci permet d'optimiser le processus du dépistage via l'assistance informatique et l'automatisation. Alors que la grande majorité des patients n'est toujours pas dépistée, nous montrons que les modèles d'apprentissage automatique offrent la possibilité d'améliorer la précision, l'uniformité et l'adoption du dépistage du cancer du poumon dans le monde entier », concluent les auteurs. Ils préviennent que ces algorithmes prometteurs devront être validés dans des études cliniques prospectives sur de larges populations.

D. Ardila et al., Nature Medicine, 10.1038/s41591-019-0447-x, 2019

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9754