Un conseiller du président de la République a-t-il du pouvoir ?
Le pouvoir du conseiller d’un président de la République est nul. L’autorité, c’est une autre affaire. Le pouvoir, c’est la capacité de décider, de mettre en œuvre ou d’interrompre une action publique. L’autorité, à la différence du pouvoir, on ne la revendique pas : on vous la reconnaît. Mon père nous disait souvent : « Je n’ai pas de pouvoir sur vous. Je n’ai que le pouvoir de l’exemple. » C’est cela, l’autorité.
À l’hôpital, le pouvoir exécutif ne peut se partager. Rien ne s’oppose à ce qu’il soit exercé par un médecin. En témoigne Martin Hirsch à la tête de l’AP-HP qui est de formation médicale. Nicolas Sarkozy espérait que 30 % des directeurs d’hôpitaux seraient médecins. On n’a pas atteint ce quota. Aux États-Unis, les directeurs d’hôpitaux sont souvent des médecins. Avant la loi HPST, il y avait de nombreux blocages entre le directeur et le président de la CME. Dix ans plus tard, je n’ai pas changé d’avis sur le principe de cette gouvernance. Je suis président de l’Institut Imagine mais je n’ai aucun mandat à l’hôpital. Cela ne m’empêche pas d’y avoir une certaine autorité.
Comment résumer ces cinq ans passés à l’Élysée ?
Par une capacité à nourrir la réflexion du Président. Et à lui faire faire de bonnes rencontres. Un Président est isolé, loin de la vraie vie. Il a besoin de retours sincères du terrain. En 2008, après cinquante ans d’ordonnances Debré, que fallait-il faire pour les CHU ? La commission Marescaux a fait le constat de l’excellence des soins, de l’enseignement, mais de la grande faiblesse de la recherche médicale en France. Pourtant, c’est la recherche qui tire les progrès en santé. Cela coïncidait avec le moment où Michel Rocard et Alain Juppé réalisaient les auditions pour les Investissements d’avenir. La décision a vite été prise : en une heure, c’était réglé. Un milliard serait accordé à cinq établissements dotés en capital pendant dix ans pour porter un projet d’excellence. Voilà un exemple où je n’avais aucun pouvoir. Je ne revendiquais rien. La vraie autorité est indépendante du pouvoir.
Lorsque j’avais un vrai souci, j’étais reçu dans l’heure par le Président, Claude Guéant ou Raymond Soubie. Pour le plan Alzheimer, le processus de décision a été comparable. L’enjeu a été d’identifier les bonnes personnes, et de demander ensuite aux meilleurs de prendre en charge le plan Alzheimer. Le Président en confia la charge à trois personnalités qu’il ne connaissait pas auparavant : Joël Ménard, Philippe Amouyel et Florence Lustman. Ce qui compte par-dessus tout, ce qui est le plus menacé, ce qu’il faut défendre à tout instant, c’est l’intérêt général, la cohérence de l’action publique qui n’est ni de gauche ni de droite. Aujourd’hui, il n’y a plus de médecin à l’Élysée.
Mais Agnès Buzyn est médecin.
Bien sûr, elle est remarquable, mais tout le monde a été surpris par l’absence de conseiller médecin au Palais.
Comment s’établit le lien entre le conseiller spécial et le ministre de la Santé ?
C’est très difficile. Qu’ai-je appris de ces cinq années ? Que la politique est un métier qui ne s‘improvise pas. La connaissance de l’administration exige une formation, un apprentissage.
On peut pourtant citer Bernard Kouchner.
Certes d’autres ministres ont été issus de la société civile comme Hubert Curien qui a été un remarquable ministre de la Recherche. Mais il faut alors faire équipe avec un « techno ». Je n’avais pas les connaissances des règles, des codes de la vie publique. La note d’un médecin se distingue immédiatement de celle d’un « techno ». Il n’est pas naturel dans le parcours d’un médecin universitaire de se retrouver du côté du législateur ou de l’exécutif. On n’y est pas préparé.
Vous êtes resté cinq ans. Est-ce que c’est grisant ?
Pas du tout. C’est effrayant peut-être, mais pas grisant. Lorsque vous avez vu des enfants mourir, des mamans pleurer leur petit, tout le reste, c’est du vent, « Vanité des vanités ». J’ai eu le sentiment en revanche du poids des responsabilités. Et comme je continuais à travailler à l’hôpital Necker, le quotidien était très difficile. Je répondais à tout le monde, à tous les mails et tous courriers. Aujourd’hui, j’écris à un ministre. Je n’ai aucune réponse…
Quelles ont été les relations avec Xavier Bertrand ?
C’était beaucoup plus facile. Il avait de l’autorité. Un président, un ministre doit s’entourer de technos mais aussi de capteurs qui rapportent l’air du temps, l’opinion.
Y a-t-il des médecins qui ont de l’autorité en France et qui influencent les politiques ?
Les politiques n’écoutent personne.
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