On n’est jamais trahi que par les siens… Elisabeth Hubert a eu vingt ans pour méditer cet adage après la mésaventure du Plan Juppé qui lui coûta son poste et mis un terme définitif à une vie politique qui semblait pourtant lui coller à la peau. Question de fidélité peut-être, ou affaire d’opportunité, elle est pourtant restée plutôt discrète sur cet épisode. Nous sommes à l’automne 1995, à la veille de l’annonce d’un plan drastique d’économies pour la sécurité sociale auquel personne ne s’attendait et dont elle avait été soigneusement tenue à l’écart.
Cinq mois plus tôt, au lendemain de l’accession de Jacques Chirac à l’Elysée, cette ancienne militante CSMF avait pris les rênes de la santé. Une promotion que tout le monde attendait et qui semblait marquer le début d’une période faste pour elle comme pour les médecins libéraux. N’est-ce pas cette jeune député de 40 ans qu’on avait vu fin 1994, dans l’hémicycle, mener l’offensive contre un gouvernement Balladur accusé de vouloir contrôler les dépenses de santé de trop près ? N’est-ce pas elle aussi que l’on reconnaissait derrière l’opposition affichée du candidat Chirac à tout rationnement sur les dépenses de santé ? Au lendemain de la présidentielle, postulante naturelle à l’avenue de Ségur, le Dr Hubert –seule médecin généraliste à avoir jamais occupé le poste- avait de surcroit réussi à être nommée « ministre de la Santé et de l’Assurance maladie. » Un vaste périmètre de compétences qui, à la différence de tant de ses prédécesseurs, semblait devoir la prémunir contre toute ingérence de Bercy.
Las ! En ce début novembre 1995, la (mauvaise) surprise ne devait pas venir de la rive droite de la Seine, mais de Matignon, où un plan d’une ampleur inégalé sur les retraites et les dépenses de santé se préparait depuis plusieurs semaines dans le plus grand secret, ourdi par trois supers hauts fonctionnaires. Ils avaient ordre de ne rien laisser fuiter et d’ailleurs, jusqu’à la veille de l’annonce du plan, même à la cnamts, on s’attendait à un plan d’économies des plus classiques. Dans ce contexte, la ministre de la Santé n’était pas non plus dans la boucle. Comme certains collègues du gouvernement, elle avait en revanche pour tâche de faire patienter l’opinion en animant quelques uns des 21 « forums régionaux », censés organiser la concertation. Celle qui n’avait été mise au courant de rien, commençait néanmoins à redouter le pire. Dans « Seul comme Chirac », la journaliste Raphaëlle Bacqué raconte une réunion houleuse à Matignon au début du mois d’août au cours de laquelle la ministre oppose déjà une fin de non recevoir aux injonctions de Juppé sur la nécessité de resserrer les boulons face à la reprise des dépenses de santé. Elisabeth Hubert avait ensuite réuni à la rentrée les syndicats de médecins libéraux pour évoquer cette menace. Mais qui y croyait vraiment ?
Avertissement sans frais donc. Ce 7 novembre 1995, la voilà pourtant convoquée à Matignon comme sept autres ministres femmes, qu’on désignait du sobriquet un peu léger et vaguement sexiste de « juppettes », pour se voir signifier sans ménagement son départ du gouvernement. On connaît la suite : Jacques Barrot, alors ministre du Travail, hérita d’un portefeuille élargit à la santé et tenta tant bien que mal de vendre reversements d’honoraires et stabilisateurs automatiques à des médecins libéraux remontés comme jamais. MG France, dont le leader, Richard Bouton, se méfiait tant d’Elisabeth Hubert, pu mettre en place l’option médecin référent dont le syndicat de généralistes rêvait depuis sa création... Qui eut cru à cet épilogue ?
Pour Elisabeth Hubert, ce fut la fin des illusions. Et le début d’une reconversion réussie qui passa rapidement par l’Elysée -repêchée un temps comme conseiller par le président- puis plus longuement à la tête d’un groupe pharmaceutique français, avant de prendre les rênes de la FNEHAD, la Fédération de l’Hospitalisation à domicile. Elle a en revanche quitté la politique pour de bon. Il faut dire qu’elle était plutôt mal partie. En juin 1995, la reconquête de la ville de Nantes lui avait déjà échappé avant sa disgrâce, et elle n’a jamais tenté de récupérer ensuite son siège de député de Loire Atlantique. Pourtant, avec le recul, elle ne vous dira jamais qu’elle regrette cette vie là. Question de pudeur ? Ou affaire de fierté ?
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