Pourquoi êtes-vous finalement revenue sur la création d'une profession médicale intermédiaire, à laquelle s'opposaient les médecins ?
Stéphanie Rist : Les médecins nous reprochaient de vouloir inscrire dans la loi ce nouveau métier sans savoir exactement de quoi il allait s'agir — ce que je peux comprendre. Mais nous ne voulons pas, comme j'ai pu l'entendre, retourner aux officiers de santé du XIXe siècle comme dans Madame Bovary. Cela n'a bien évidemment rien à voir. De nombreux pays voisins ont confié des compétences à des auxiliaires médicaux sans diminuer celles des médecins. Dire que l'on va faire des sous-médecins pour les zones désertifiées est un mauvais argument, ce n'est pas le sens des professions médicales intermédiaires.
Les médecins s'émeuvent aussi de fonctions qui pourraient être confiées aux sages-femmes à leur détriment. Certains redoutent que les sages-femmes obtiennent un statut équivalent à celui de "médecin traitant" de la femme. Cette crainte est-elle fondée ?
S.R. : Comme sur la profession intermédiaire, j'ai observé que certains avaient des craintes. À chaque fois que l'on voudra confier des responsabilités à d'autres professionnels, des médecins y seront défavorables. Les sages-femmes n'obtiendront pas le statut de référentes de la femme mais la proposition de loi prévoit un élargissement de leurs compétences, jusqu'ici réservées aux médecins. Elles pourront réaliser des dépistages et prescrire des traitements pour les infections sexuellement transmissibles aux femmes et à leur partenaire, faire des arrêts de travail de la durée qu'elles veulent et les renouveler (un amendement adopté en commission prévoit d’ouvrir aux sages-femmes la possibilité de réaliser des IVG chirurgicales sous anesthésie locale après une formation théorique et pratique, NDLR).
Les médecins, dix ans d'études, redoutent un démantèlement de leur métier avec l'apparition de professionnels formés plus rapidement. Ont-ils raison ?
S. R. : Je peux comprendre que des médecins généralistes redoutent l'impact, notamment sur le plan financier, que pourrait entraîner l'arrivée de professionnels exerçant des missions à leur place. Mais le vrai sujet, à mon avis, est de redéfinir les compétences et la place de chaque profession dans le système de santé qui a évolué depuis un siècle. Et la question se pose pour la médecine générale. Quelle place veut-on que la médecine générale occupe dans les années qui viennent ? Les connaissances ont évolué, de nouvelles technologies ont vu le jour mais on n'a rien retiré de ces compétences. On se retrouve avec moins de médecins et certaines compétences pourraient être déléguées pour permettre un meilleur accès aux soins. Car c'est le sujet : comment améliorer la prise en charge demain.
Les médecins n'ont donc pas à avoir peur que l'on casse leur métier pour faire de la médecine "low-cost" ?
S. R. : Ce n'est pas notre volonté. Nous proposons une évolutivité des métiers d'auxiliaires médicaux, pour leur permettre de monter en compétence mais en aucun cas de former des "sous-médecins". Le vrai combat pour les médecins est de savoir comment doit évoluer leur métier demain. Leur avenir n'est pas incompatible avec la montée des métiers d'auxiliaires médicaux. L'ensemble des groupes parlementaires souhaitent avancer sur ce sujet sans faire de blocage. Nous avons demandé au gouvernement un rapport pour faire un état des lieux de la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération.
Il y a tout de même eu déjà ces dernières années la création des assistants médicaux et des infirmières en pratique avancée, des délégations de tâches se mettent en place. Ne faudrait-il pas laisser le temps à ces nouvelles organisations de faire leurs preuves ?
S. R. : Il y a urgence, nous avons quinze ans de retard sur nos pays voisins. Nous devons le rattraper. Les infirmières en pratique avancée constituent une belle évolution mais elles ne sont pas assez nombreuses. Il faudrait que les universités aient les capacités d'en former plus, c'est aujourd'hui une difficulté. Et leur champ de compétence, contraint par l'Ordre des médecins, reste assez restreint malgré leur master de deux ans. Elles n'ont pas encore accès à la prescription de médicaments à prescription médicale obligatoire. Beaucoup d'auxiliaires médicaux pourraient progresser plus rapidement si la validation des acquis d'expérience (VAE) était aussi plus développée.
Ne faudrait-il pas simplement former davantage de médecins qu'aujourd'hui, notamment en médecine générale ?
S. R. : Oui, il faut former plus de médecins, nous avons supprimé le numerus clausus pour cela. Mais la démographie médicale mondiale est trop basse. Quand on regarde l'évolution du vieillissement de la population, les médecins n'ont pas de crainte à avoir sur le travail qu'ils auront en 2040.
Jean-Luc Mélenchon mais aussi des sénateurs ont lancé de nouvelles offensives pour contraindre l'installation des médecins où il en manque. Les députés de la majorité sont-ils toujours partisans d'une complète liberté d'installation des médecins ?
S. R. : Je ne peux pas répondre pour l'ensemble des députés de la majorité car la question ne s'est pas posée récemment. La ligne du gouvernement est de préserver la liberté d'installation. À titre personnel, en plus de l'augmentation du nombre de médecins à former, il me semble que l'on pourrait réfléchir à une certaine forme d'obligation temporaire d'installation. Il faudrait pouvoir dire aux étudiants qui entreront en médecine qu'ils auraient trois ou quatre ans à faire dans la région au sein de laquelle ils ont fait leurs études.
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