LE QUOTIDIEN : Quelle est la situation aujourd’hui sur l’archipel ?
Dr MOHAMED SOPHIAN JAOUADI : C’est une situation assez inextricable, avec des scènes de chaos, partout. Des quartiers de tôles sont entièrement ravagés : il n’y a plus rien, comme s’ils avaient été rasés au sol. Je n’ai jamais vu quelque chose de cette ampleur. Lors de la première rafale, ma maison tremblait et mon toit a été avalé, comme par un aspirateur. J’ai eu peur de mourir, j’ai survécu par miracle.
Au quotidien, nous sommes en « mode survie » : trouver un moyen de recharger la batterie de mon téléphone le matin, trouver de l’eau, une bâche pour sécuriser le toit de ma maison, nettoyer les gravats… Je me lave avec des pichets d’eau chez des amis et je dors dans ma maison pour sauvegarder tous mes biens sentimentaux. Âgé de 45 ans, je suis arrivé en 2017 à Mayotte, après avoir fait médecine à Paris. Je m’y suis installé avec ma famille, qui, heureusement, était partie avant le passage du cyclone. C’est pour ça que je relativise.
C’est triste, car le territoire de Mayotte est attractif, avec une pratique riche, variée et agréable de la médecine générale, face au manque de spécialistes.
Qu’attendez-vous de l’exécutif dans une telle situation ?
Je n’attends pas grand-chose du gouvernement, car il ne fait pas grand-chose ici, dans tous les cas. Nous avons eu une alerte de l’ARS [agence régionale de santé] la veille du passage du cyclone et on n’a pas senti qu’il y avait eu une quelconque anticipation… Il faudrait que Mayotte soit considérée comme un véritable territoire de la République ! Le problème, c’est que les logements ne sont pas aux normes et pas contrôlés. En revanche, la réaction ordinale nationale, que j’ai reçue par mail, m’a fait chaud au cœur.
Quid de la situation épidémiologique ? Craignez-vous que cela aggrave la crise ?
Déjà qu’en situation normale, il y a de nombreuses épidémies, comme le choléra, alors, en situation dégradée, le risque est majoré. Comme il n’y a pas de ramassage de déchets, on voit des rats et des souris. L’eau courante n’a pas été remise partout, l’électricité n’est pas rétablie, donc nous utilisons des bouteilles de gaz. J’ai appris qu’il n’y avait plus de vaccins contre le tétanos : comment on fait alors que beaucoup de personnes risquent de marcher sur un clou ?
Ma plus grande inquiétude concerne le nombre de morts. Des zones entières de bangas [habitations précaires en tôles, NDLR] ont disparu, comme si l’on avait taillé à la base avec une serpe… Et on ne voit pas les habitants qui sont, soit sous les décombres, soit ont été enterrés dans les 24 heures, selon les principes musulmans. Ici, on évoque plusieurs milliers de personnes décédées…
Mon autre inquiétude, c’est le stock de vivres. Quand les gens auront faim ou soif, ça va péter.
Pouvez-vous travailler ?
Non, car je n’ai pas de réseau téléphonique ! Mon cabinet a pris un gros coup, comme ceux de mes collègues libéraux, qui ne peuvent pas ouvrir non plus. Je souhaite reprendre mon activité le plus vite possible. Pour nous épauler, je sais que des médecins sont arrivés de La Réunion.
Électricité, eau, habitat : le point sur la situation à Mayotte, Macron attendu sur place
Lors d’une session de questions au gouvernement, ce mardi 17 décembre, le Premier ministre a présenté un nouvel état des lieux après le passage du cyclone Chido à Mayotte. Officiellement, au moins une vingtaine de morts, 200 blessés graves et 1 500 personnes en urgence relative sont recensés. « Mais ce bilan peut s’alourdir, nous le savons tous », a rappelé François Bayrou devant les députés de l’Assemblée nationale.
Au-delà du bilan humain, catastrophique, le locataire de Matignon a été interrogé sur les conditions d’un retour très progressif à une vie normale. L’hôpital fonctionnerait à hauteur de 50 % de ses capacités. S’agissant de l’eau, « deux des six usines [de traitement] ont été remises en route », a annoncé le successeur de Michel Barnier. Remettre en état de marche ces usines dépend cependant de l’alimentation en électricité. « Aujourd’hui, c’est à peu près 50 % du réseau électrique qui a été remis en route. (…) Les services de l’État considèrent que, d’ici à la fin de la semaine, on pourrait atteindre 75 % de remise en route du réseau électrique », a-t-il précisé.
Le sujet épineux de la reconstruction a également été abordé. « Le gouvernement va lancer un appel à projets sur des conceptions d’habitations très rapides, préfabriquées, faciles à monter, pratiques à mettre en place et pas trop chères, a annoncé François Bayrou. Je suis persuadé qu’un grand nombre d’entreprises françaises, d’écoles d’architectures françaises vont se passionner pour ces projets qu’il faudra très rapidement analyser et choisir ».
Emmanuel Macron a annoncé ce mardi lors de son déplacement à Lyon, où il inaugure une académie de l’organisation mondiale de la santé (OMS), qu’il se rendrait à Mayotte « dans quelques heures ». « Nos compatriotes vivent le pire » sur place, a rappelé le Président de la République.
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