Dans un entretien accordé au Généraliste, le président du Conseil national de l'Ordre des médecins, le Dr Patrick Bouet, regrette le retard pris dans la distribution aux médecins de ville des masques chirurgicaux — dont il défend par ailleurs l'efficacité — pour lutter contre le coronavirus. Le patron de l'Ordre enjoint par ailleurs l'Assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux à trouver un accord rapide pour faciliter les téléconsultations en cette période épidémique.
À l'heure où les médecins libéraux risquent d'être davantage amenés à prendre en charge des patients atteints de coronavirus, tout a-t-il été mis en œuvre, selon vous, pour les protéger, eux et leurs patients ?
Dr Patrick Bouet : Même si l'essentiel des prises en charge jusqu'à aujourd'hui a concerné essentiellement l'hôpital, les médecins de ville ont déjà eu à rencontrer et orienter des malades. Les praticiens vont maintenant se trouver dans une configuration épidémique inédite pour une majorité d’entre eux. Il faut donc qu'ils puissent être totalement sécurisés dans leur exercice. C'est la raison pour laquelle il y a aujourd'hui une pression très forte et légitime de nos collègues pour demander que des mesures de protection optimales soient mises en place dès aujourd'hui. Il est vrai que recevoir seulement maintenant une ou deux boîtes de 50 masques chirurgicaux (FFP1) peut paraître un peu tardif, étant donné que les médecins libéraux sont confrontés aux demandes de leurs patients depuis plusieurs semaines.
Depuis le début de la crise, l'Ordre s’est-il manifesté auprès des autorités sur ce sujet ?
Dr P. B. : Oui, l’Ordre des médecins, comme celui des pharmaciens et des infirmiers, a naturellement été en contact avec le gouvernement dès les premiers cas de coronavirus sur le territoire français (le 25 janvier, NDLR). Nous avons tout mis en œuvre au niveau local et national pour permettre la circulation rapide d'un maximum d’informations.
Nous avons aussi interpellé très tôt le gouvernement pour demander la garantie de maintien des revenus des médecins libéraux mis en quarantaine. Nous avons également alerté sur la nécessité d'une distribution rapide des kits de protection afin que les médecins puissent, en cas d'accélération du processus épidémique, se protéger et protéger leurs patients. Car nous avons très vite observé qu’un certain nombre de professionnels de santé se retrouvaient contaminés.
Que doivent désormais faire les autorités ?
Dr P. B. : Il faut que les médecins soient rapidement informés des protocoles de prise en charge. En cas de passage au stade 3 (stade épidémique proprement dit), le circuit des patients sera d’une autre nature. Le maintien à domicile des patients s'imposera et il faut donc que les praticiens prennent rapidement connaissance de l’ensemble des protocoles et recommandations nécessaires pour assurer une bonne prise en charge (ces recos sont en cours d'écriture, NDLR).
En outre, il est de la responsabilité de l’État de garantir la distribution des moyens de protection à l'ensemble des médecins. Il ne doit pas y avoir de rupture de la chaîne d’approvisionnement. Je me félicite d'ailleurs que Bercy ait décidé de bloquer le prix des gels hydroalcooliques.
Enfin, les partenaires conventionnels et l'Assurance maladie doivent négocier, dans le cadre de l’avenant 6 à la convention médicale, une procédure temporaire et dérogatoire qui permettent aux médecins de faciliter le recours à la téléconsultation, avec une prise en charge par la Cnam. La Caisse et les syndicats doivent se mettre très rapidement d’accord sur un tel dispositif.
En attendant les masques, que peuvent faire les médecins pour améliorer la situation ?
Dr P. B. : Des mesures de bon sens ont déjà été prises. Puis, quand les masques chirurgicaux arriveront, il ne faudra pas hésiter à les utiliser et à en donner aux patients présentant des symptômes respiratoires. Même s'ils ont une durée de protection plus courte que les FFP2, ceux-ci ont tout de même une efficacité qui a été démontrée par des études scientifiques. Nous demandons au gouvernement de mettre leurs résultats à disposition des médecins. Il est indispensable de fournir à la profession les éléments scientifiques qui justifient ce choix des FFP1 au lieu des FFP2.
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