Entretien exclusif avec Marisol Touraine : « Je débloque une enveloppe de 10 millions d’euros pour les GHT »

Publié le 17/03/2016
Entretien Décision Santé avec la ministre de la Santé Marisol Touraine

Entretien Décision Santé avec la ministre de la Santé Marisol Touraine
Crédit photo : © E.T.

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Décision Santé. Alors que l’inquiétude monte à l’approche de la date butoir du 1er juillet pour la constitution des groupements hospitaliers de territoire, comptez-vous accorder de nouveaux moyens pour les mettre en œuvre ?

Marisol Touraine. Je voudrais d’abord rappeler que la mise en place des groupements hospitaliers de territoire est l’une des mesures les plus structurantes, les plus ambitieuses, de la loi de modernisation de notre système de santé. Il s’agit d’un élément clé de la politique que je conduis depuis 2012 pour garantir l’accès aux soins de tous. Parce que mieux coordonner le projet médical d’un territoire, c’est mieux répondre aux attentes de nos concitoyens. Afin de favoriser la mise en place de ces GHT, un dispositif d’accompagnement vient de se mettre en place. Je débloque une enveloppe de dix millions d’euros en 2016, c’est une mission de facilitation ! Enfin, une structure dédiée au sein de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) accompagnera les projets portés par les établissements.

 

 

D. S. Le chantier des GHT est une opération lourde. Cette naissance se produira-t-elle sans douleurs ou au forceps ?

M. T. Nous devons avancer de manière volontariste et pragmatique. La mise en place des GHT s'impose comme une mesure extrêmement structurante. C'est un levier de réorganisation qui a été fixé dans la loi et fait l'objet, on peut d’ailleurs s’en féliciter, d'un très large consensus. En pratique, la création de ces GHT répond à la nécessité du service public hospitalier de s'adapter à la réalité territoriale. Autrement dit, c’est une opportunité pour renforcer le service public hospitalier, en conciliant nécessaire autonomie des établissements et développement des synergies territoriales. C'est, en miroir, la volonté de donner à tous les Français le même accès aux soins délivrés par l'hôpital. Certains petits établissements connaissent des difficultés à assurer cette mission, du fait de difficultés de recrutement, par exemple. Ailleurs, des maires s'interrogent sur les perspectives d’avenir offertes à leur établissement. Dans quelques territoires, l'offre hospitalière ne paraît pas adaptée. Le GHT est précisément conçu pour surmonter ces difficultés et renforcer le service public. Et non pas pour supprimer, élaguer, réduire l'offre. La date du 1er juillet est fixée par la loi. On ne peut y déroger. Pour autant cette date ne doit pas être surinterprétée : au 1er juillet, tout ne sera pas achevé. ! L’objectif est seulement de savoir qui fait quoi, et avec quelles équipes. C'est l'enjeu des périmètres, associé à la définition des grandes orientations des projets médicaux, qui seront ensuite seront déclinées et partagées dans une seconde étape. L'objectif du mois de juillet me paraît donc parfaitement atteignable. Des travaux avaient été engagés avant même que la loi ne soit votée. Dans certains territoires, les découpages s'imposent du fait de l'histoire par exemple. Dans d'autres, la création d'un GHT est moins évidente. Pas d’uniformisation, donc ! Et la méthode sera celle de la mobilisation collective : un grand travail a déjà été accompli avec les professionnels hospitaliers et avec les élus. La concertation doit simplement se poursuivre.

 

 

D. S. Pourquoi n'avoir pas mené une expérimentation dans une seule région et en tirer des leçons avant de la mettre en œuvre sur l'ensemble de l'Hexagone ?

M. T. Mais c’est cela qui est illusoire ! Pourquoi une expérimentation menée dans une ARS vaudrait-elle pour les autres ARS ? Et nous n'avons pas de temps à perdre ! Lors de mes déplacements, j’entends les professionnels, les usagers, les élus, appeler à davantage de coopération. Ne surestimons pas les difficultés. Le travail déjà accompli est beaucoup plus important que ce que vous imaginez.

 

 

D. S. On vous prête une pensée de restructuration…

M. T. L'objectif n'est clairement pas celui-là. Je suis constante dans mes positions. Réorganiser lorsque c'est nécessaire, oui, bien sûr. Mais l'objectif qui nous guide n'est pas de supprimer ou de fermer des hôpitaux. J'ai toujours défendu la nécessité de maintenir des structures d'hospitalisation – en l’occurrence publiques – sur l'ensemble du territoire. Le plan attractivité lancé l'année dernière à destination des praticiens s'inscrit d’ailleurs dans cet esprit. Il y a une cohérence dans l’action menée !

 

 

D. S. Comment s'articulera le fonctionnement par pôle avec celui des GHT ?

M. T. Avant de répondre, rappelons que la logique est de maintenir l'autonomie des établissements avec dans le même temps une synergie, une coopération renforcée avec d'autres structures. Cette coopération est désormais obligatoire.

Précisons qu’à l'intérieur de cette coopération, il n'y a pas pour autant d'obligation de fusion administrative. Sera créé un budget annexe pour les fonctions support. Mais chaque établissement conserve ses propres structures, même si je souhaite que s’ouvre la réflexion sur la possibilité de créer une commission médicale d'établissement (CME) là où elle sera demandée.

Un cadre a été fixé, celui de la coopération obligatoire, qui aboutit à une mutualisation pour les fonctions support - y compris budgétaire. En ce qui concerne les pôles, ils demeurent attachés à chaque établissement. Pour autant, une dynamique coopérative est lancée.

Quant au nombre de GHT, aucune cible quantitative n'a été fixée, comme je l'ai entendu. Ici le département s'impose comme la bonne référence. Là, cela n'aurait aucun sens. Je demande aux acteurs de santé, aux élus, de se poser des questions simples. Quelle surface doit être retenue pour assurer un fonctionnement optimal ? Quelle doit être la bonne distance entre des établissements afin de créer une identité commune ? Toutes ces questions sont actuellement soulevées sur le terrain.

 

 

D. S. Et pourtant, directeurs et médecins vous accusent de transformer ce projet en mécano technocratique ?

M. T. C'est l'expression d'une inquiétude et je l'entends. Mais tout n'est pas piloté depuis le ministère. Un cadre est défini. Et j'installe ce jour le comité de suivi afin de préciser les modalités pratiques. Nous n'allons pas disposer partout des mêmes structures ou organisations. Il nous faut rassurer les acteurs qui souhaitent obtenir des garanties de protection ou de libre exercice. Un juste équilibre doit être trouvé entre l'exigence de souplesse dans la mise en place des GHT et le besoin de disposer de repères et de références.

 

 

D. S. Comment comptez-vous inclure les centres de lutte contre le cancer, les structures médico-sociales et les hôpitaux psychiatriques ?

M. T. Nous devons partir d'un projet médical partagé. Il inclut l'ensemble des filières de soins, y compris la psychiatrie. Il serait inenvisageable que l'on puisse ne pas connaître les recours possibles en psychiatrie. En revanche, il faut là encore de la souplesse. On ne peut exiger la même organisation pour le champ de la psychiatrie dans toutes les régions. Ici, des structurations propres à la psychiatrie seront privilégiées. D'autres GHT opteront pour une logique plus intégrative de la psychiatrie au sein des GHT.

En ce qui concerne les établissements privés à but non lucratif, ces établissements n'ont pas vocation à être exclus du dispositif. Les centres de lutte contre le cancer s'ils le souhaitent seront associés aux GHT. La loi prévoit d’ailleurs ce type d'association. Nous sommes dans une démarche pragmatique. Mais l'objectif, celui d'offrir une plus grande lisibilité du système de soins à nos concitoyens, passe par un travail de coopération entre les équipes médicales.

 

 

D. S. Comment contenir le risque de constituer avec ces GHT des mini-AP-HP difficilement gouvernables ?

M. T. Je ne pense que l’AP-HP soit difficilement gouvernable. Mais si votre question est de savoir si certains découpages peuvent créer de trop grands ensembles, alors oui, le risque existe dans certains endroits. La clé : réfléchir au bon territoire et à la distance idéale entre deux établissements afin de créer une identité commune.

 

 

D. S. Vous réservez- vous le droit de dire non à la constitution de GHT ?

M.T. La concertation doit s’opérer au niveau des agences régionales de santé (ARS). Une démarche coopérative a été engagée avec les professionnels : elle part du terrain. Quant aux ARS, leur mission est ici multiple. Elles aident à l’instauration du dialogue, à l’élaboration des projets. Et elles participent aussi à ce que les paroles des élus soient entendues. Enfin, elles s’assurent que l’objectif final d’égalité aux soins sur tout le territoire soit respecté.

 

 

D. S. Certains médecins avancent le risque de se transformer en praticiens nomades.

M. T. Ils ne se transformeront pas en médecins nomades, mais disposeront d’une responsabilité territoriale. Certains souhaiteront en assurer davantage que d’autres, d’ailleurs ! A destination des praticiens hospitaliers, j’ai lancé à l’automne 2015, un plan d’attractivité des carrières qui contribue à favoriser l’arrivée de jeunes médecins dans certains territoires. Des primes seront versées à ceux qui s’engagent dans ces actions collaboratives.

 

 

D. S. Pourquoi avoir exclu l’AP-HP du dispositif ?

M. T. L’AP-HP n’est pas exclue, il y aura un dispositif spécialement adapté à ses spécificités.

 

 

D. S. Des établissements s’inquiètent de devoir éponger les dettes d’hôpitaux plus cigales…

M. T. Cette inquiétude n’a pas de raison d’être. J’attends beaucoup du comité de suivi qui vient d’être installé pour lever définitivement les inquiétudes. Je veux préciser que seules les fonctions support feront l’objet d’une mise en commun, et ce dans un budget annexe. Chaque hôpital apportera sa contribution selon une méthode qui sera définie au niveau national. C’est un point positif pour l’ensemble des établissements. Rappelons que les GHT n’ont pas de personnalité morale. Chaque hôpital conservera son autonomie !

Vous savez, je ne souhaite pas que les identités d’établissement historiques disparaissent. Pas davantage que les petits soient absorbés par les gros. Je ne veux pas que les CHU – qui sont certes appelés à jouer un rôle majeur, notamment dans leur fonction hospitalo-universitaire – soient perçus comme des généraux d’empire à la tête d’une armée. Avec l’obligation de coopération, des dynamiques d’intégration sont réellement mises en œuvre. On note des impulsions différentes selon les endroits. Par exemple en Indre-et-Loire, dans mon département, des PU-PH assurent des consultations avancées à l’hôpital de Loches ou de Chinon. C’est bien cela la souplesse.

GHT

Source : lequotidiendumedecin.fr