A l’heure de Doctissimo, les médecins sont-ils aussi influents que du temps de Molière ? En l’absence de pièces comptables, il n'y a pas lieu de dresser un « bilan de faillite* » du pouvoir des médecins. Le passif au début des années 2000 était pourtant lourd. Le scandale du sang contaminé, puis celui de l’hormone de croissance ont contribué à déchirer le pacte de confiance dressé devant notaire avec les Français. Les déserts médicaux, les dépassements d’honoraires dans les années 2000 ont encore alourdi le déficit. Au sein de la grande famille des soignants, on en vient à se disputer l’héritage avant même la mort du défunt. Les pharmaciens revendiquent le droit de vacciner. Les infirmiers avec les pratiques avancées accèdent à un droit patrimonial des médecins, celui de prescrire. Dans ce paysage en voie de fragmentation, la citadelle hôpital célébrée à longueur de sondages comme l’un des trésors du service public semblait imprenable. Les multiples reportages réalisés dans les médias grand public ont fragilisé l’édifice. Il ne prend pas l’eau certes. Mais on constate des brèches dans la confiance accordée par les Français. Le drame du Samu de Strasbourg ne contribuera certes pas à restaurer le lien. Dans le même temps, la compétition directeur d’hôpitaux-médecins n’a jamais cessé. Enfin, le tableau ne serait pas complet sans Marisol Touraine. Grande amatrice de jeux de hasard, elle a délibérément joué avec le tiers payant, les médecins contre les patients. Avec le résultat que l’on sait. L’ancienne ministre aurait-mal évalué la cote de l’adversaire avant de lancer son pari. En vérité, les médecins n’ont pas connu le sort des enseignants en voie de déclassement. Certes, ils ont perdu le statut de notables. Quant aux mandarins même aux pieds-nus, que sont-ils devenus ? La saga de l’humanitaire qui les a supplantés dans les années 70-80 à l’origine de nombreuses vocations n’a plus le même pouvoir d’attraction. Aujourd’hui, loin d’être un grand ponte ou un french doctor, le médecin le plus célèbre de France exerce dans le service public mais à la télé (Michel Cymes). Pour autant, la résistance des médecins comparée à d’autres professions ne relève pas de la résilience. Elle s’explique par le flux continu de l’innovation thérapeutique et témoigne donc d’une efficacité certaine à comparer avec celle des politiques. Mais cette influence est fragile. Même un poste aussi indéboulonnable que celui de conseiller santé à l’Elysée n’est plus occupé par un médecin. Une première… qui ravale le médecin à un simple technicien. Est-ce grave docteur ?
* Titre du dernier livre de Régis Debray, un régal. Ed Gallimard, mai 2018, 15 euros.
Après deux burn-out, une chirurgienne décide de retourner la situation
La méthode de la Mutualité pour stopper 2,4 milliards d’euros de fraude sociale
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
À la mémoire de notre consœur et amie