L’ANSM et la Cnam ont présenté aujourd’hui les résultats d’une nouvelle étude sur le risque de troubles neuro-développementaux précoces chez des enfants de moins de 6 ans exposés in utero à l’acide valproïque ou aux autres antiépileptiques en monothérapie en France, comparativement aux enfants non exposés.
Cette étude française issue des données du Sniiram apporte des éléments nouveaux sur la caractérisation du risque lié à l’acide valproïque selon la dose et la période d’exposition pendant la grossesse.
L’étude a porté sur plus d’1,7 millions d’enfants nés entre le 1er janvier 2112 et le 31 décembre 2014, sans diagnostic de malformation cérébrale à la naissance. Les enfants ont été suivis jusqu’à l’âge de 3,6 ans en moyenne (5 ans au maximum). Pour estimer le risque de troubles neuro-développementaux précoces, plusieurs indicateurs ont été comparés entre les enfants exposés in utero à un traitement antiépileptique en monothérapie et les enfants non exposés.
Un risque 4 à 5 fois plus grand, le 2e et le 3e trimestre particulièrement exposés
Cette étude confirme le risque de troubles neuro-développementaux précoces en lien avec l’exposition à l’acide valproïque pendant la grossesse. « Ce risque apparaît de l’ordre de 4 à 5 fois plus élevé parmi les enfants exposés par rapport aux enfants dont la mère n’a pas reçu d’antiépileptique pendant la grossesse, avec un effet dose marqué. Aux plus fortes doses, le risque apparaît jusqu’à 8 à 10 fois plus élevé », précise le communiqué conjoint DGS-ANSM-CNAM.
Autres données nouvelles, « la période d’exposition à risque de troubles neuro-développementaux précoces liés à la prise d’acide valproïque pourrait se situer plus particulièrement au cours du deuxième et/ou du troisième trimestre de la grossesse » sans exclure « une augmentation du risque associée à une exposition limitée au premier trimestre de grossesse. » Mais l’ANSM et la Cnam rappellent aussitôt que l’exposition au valproate au cours du premier trimestre de grossesse est associée à un risque augmenté de malformations congénitales majeures.
Lamotrigine et prégabiline aussi à risque mais moindre
Pour les autres antiépileptiques, le risque de troubles neuro-développementaux précoces apparaît beaucoup moins marqué que pour l’acide valproïque, avec des différences en fonction des substances.
Principale alternative à l’acide valproïque, la lamotrigine expose l’enfant à naître à un risque de diagnostic de troubles mentaux et du comportement de l’ordre de 3 fois moins élevé comparé à l’acide valproïque. Si l’étude montre une association entre l’exposition in utero à la lamotrigine et le risque de troubles neuro-développementaux précoces, celle-ci pourrait être « expliquée non pas par l’exposition à la lamotrigine mais plutôt par un effet de la maladie psychiatrique maternelle et/ou des caractéristiques qui lui sont associées. En effet, l’association ne persiste pas lorsque l’analyse est restreinte aux enfants nés de mère sans maladie psychiatrique identifiée. »
L’exposition in utero à la prégabaline pourrait être associée à un risque de diagnostic de troubles mentaux et du comportement augmenté de 1,5 fois par rapport aux enfants non exposés. Ce risque nécessite d’être surveillé et confirmé par d’autres études.
« Les résultats ne fournissent pas d’arguments en faveur d’un effet sur le développement neurocognitif précoce de l’exposition in utero aux autres antiépileptiques (carbamazépine, phénobarbital, lévétiracétam, oxcarbazépine, topiramate, clonazepam, gabapentine), sans toutefois qu’une augmentation de risque puisse être exclue de façon certaine », précise le communiqué.
Le suivi des enfants exposés à ces médicaments sera poursuivi au moins jusqu’à ce que les enfants aient atteint la fin de l’école primaire.
La France en pointe sur le sujet depuis 2014
La Direction générale de la santé (DGS), l’ANSM et la Cnam rappellent que cette étude s’inscrit dans le plan d’actions global conduit depuis 2014 en France par les autorités de santé sur les risques liés aux médicaments à base d’acide valproïque et aux autres antiépileptiques lors d’une exposition au cours de la grossesse.
Plusieurs mesures de réduction du risque pour limiter l’exposition au valproate pendant la grossesse ont été mises en place depuis 2015. Un renforcement des conditions de prescription et de délivrance a été effectué à l’issue de la première réévaluation du valproate au niveau européen : prescription annuelle obligatoirement par un spécialiste, mise en place d’un formulaire d’accord de soin et élaboration de documents de réduction du risque (brochure patiente et guide pour les prescripteurs). La France a complété ces mesures par l’apposition sur les boîtes d’un pictogramme et d’une mise en garde et la mise à disposition d’une carte patiente.
En 2017, l’ANSM a décidé de contre-indiquer le valproate dans le traitement des épisodes maniaques des troubles bipolaires. Cette décision a dernièrement déclenché un nouvel arbitrage européen qui a entériné les mesures de réduction du risque déjà instaurées en France et les a élargies à toute l’Europe. Le valproate est désormais interdit pendant la grossesse et ne doit plus être prescrit aux filles, adolescentes et femmes en âge de procréer, sauf circonstances exceptionnelles et uniquement dans l’épilepsie.
Depuis la mise en place du plan d'action, « on constate une diminution de 45 % du nombre de femmes en âge de procréer sous valproate et de 66 % du nombre d’enfants nés de grossesses exposées au valproate. »
La ministre de la Santé a demandé à ses services et à la Caisse nationale de l’Assurance Maladie « de travailler à la mise en place d’un dispositif de suivi de la prise en charge des enfants exposés in utero, afin que soit organisée une filière de soins permettant de simplifier leur parcours et d’assurer des soins adaptés à chacune des situations. »
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