Jusqu’au dernier moment, Manuel Valls aura laissé la porte de la Grande conférence de santé ouverte aux syndicats. Mais, à la veille du rendez-vous, aucun de ceux-ci n’entendait infléchir leur position et revenir sur leur boycott. Au-delà des Assises de la médecine libérale qu’ils organisent le même jour, les syndicats justifient leur refus de se rendre au Conseil économique, social et environnemental -le CESE, lieu de l'événement- par de multiples raisons. Et en premier lieu par l’adoption définitive, en décembre, de la loi de santé.
« Valls peut laisser la porte ouverte, il nous l’a claquée au nez le 13 novembre », rappelle Jean-Paul Hamon. Le chef de file de la FMF fait référence à la dernière journée de grève des médecins libéraux. Bouleversée par les attentats parisiens, cette action de revendication avait été suspendue par les syndicats dont certains réclamaient alors « un moratoire sur la loi de santé ». « On nous a opposé une fin de non-recevoir », souligne Jean-Paul Hamon qui lie cette réaction à son refus de participer « à cette mascarade médiatique, cette pseudo-concertation ». Et d’interroger : « pourquoi le gouvernement nous écouterait-il, alors qu’il est sourd depuis trois ans » ?
Aux yeux de Luc Duquesnel, « ça n’a ni queue ni tête d’organiser une conférence après le vote de la loi ». Un constat que le président de l’Unof regrette dans une certaine mesure, considérant « qu’il y a des sujets qui auraient mérité d’être abordés, comme la prévention, or là, les discussions se polarisent sur certains sujets comme la formation ». Un nombre de thèmes restreint qu’il attribue à l’absence des syndicats et à leur avis unanime de participer à cette Grande conférence. Mais l’essentiel n’est plus là, « avec le vote de la loi de santé, on a tourné une page et on est tourné vers la négociation conventionnelle ».
Pour sa part, le patron du SML souligne que la décision des syndicats de ne pas se rendre à la Grande conférence de santé avait été annoncée à Manuel Valls, le 1er juillet dernier, lorsqu’il les a conviés à Matignon. « Pourquoi changer d’avis alors que la loi est passée à l’arrache et a été retoquée sur son dispositif phare » questionne Éric Henry qui, en creux, considère que le Premier ministre aurait dû écouter les syndicats à propos du tiers payant. Mais il ne voit pas que du négatif à la situation. « On remercie Valls et Touraine d’avoir permis l’unité syndicale », plaisante le généraliste breton à la veille des Assises de la médecine libérale. Et d’inviter, le gouvernement et les syndicats, à « mettre à plat les propositions de chacun » lors d’une prochaine réunion.
Seul MG France a assoupli sa position initiale. En effet, les annonces de Marisol Touraine et Thierry Mandon à propos de la filière universitaire de médecine générale sont venues rebattre les cartes du syndicat de Claude Leicher. Initialement, il avait en effet décidé de ne pas participer à la Conférence de Manuel Valls faute de voir concrétisées les nominations d’enseignants prévues. La reconnaissance de la sous-section de la filière de médecine générale et les récentes annonces de recrutements d'enseignants et chefs de clinique ont conduit MG France a « faire un geste » et il va donc envoyer "un observateur" au CESE.
Quant à l’UFML, l’organisation – non représentative — pilotée par Jérôme Marty, elle ne participera pas davantage aux tables rondes de la Grande conférence. Et ce pour des raisons beaucoup plus pragmatiques : les capacités d’accueil du Palais d’Iéna seraient atteintes, parait-il...
.@UfmlAsso refusée à grande conf de santé par ministère "plus de place" puis @mg_france accepté, la transparence fait peur? @ArnaudRobinet
— DrMartyUFML (@Drmartyufml) 10 Février 2016
Reste que, si chacun campe, pour l'heure sur ses positions, certains observateurs proches du gouvernement veulent voir dans la Grande Conférence le début d'un processus, sinon de réconciliation, du moins d'apaisement avec le corps médical libéral. "Cette Conférence doit être un moment de rassemblement, même si les syndicats tiendront leurs Assises à côté", analyse le Dr Claude Pigement. Pour l'ancien responsable santé du PS, la deuxième étape de ce processus de dégel sera d'ici peu l'annonce des propositions Cnamts-complémentaires sur le tiers payant : "j'espère que le dispositif proposé sera simple et rassurera les médecins", dit-il. Reste le troisième étage de la fusée, les négociations conventionnelles dans quelques semaines : une manière pour Claude Pigement de faire la synthèse entre propostions des caisses et celles des syndicats et donc de "sortir par le haut", espère-t-il.
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