C’est une très mauvaise nouvelle pour Marisol Touraine. Les deux points sur lesquels la ministre de la Santé semble la moins susceptible de céder viennent en effet en tête des motifs de contestation des médecins généralistes... A commencer par la généralisation du tiers payant placée au centre de leurs motifs de mécontentement par 90% des praticiens qui ont répondu à notre enquête ! Ce n’est pas de chance pour Hollande, Valls et Touraine, qui présentent la dispense d’avance de frais comme la mesure phare de la future loi de santé. «François Hollande a signé un chèque en blanc à Marisol Touraine...Le TPG ce sera sa pyramide du Louvre, son centre Pompidou,son abolition de la peine de mort et son droit à l'avortement réunis,» ironise Philippe dans le Var.
[[asset:image:3926 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Emblématique aux yeux du pouvoir actuel, cette réforme risque donc de pourrir pendant un bon moment le climat avec le corps médical. « Si le tiers-payant généralisé est institué, nous serons dans quelques mois assimilés à des salariés de la Sécu dans l'esprit de la population (mais sans en avoir les avantages bien sûr !) » tempête Philippe, un praticien de 56 ans qui exerce à Savenay en Loire-Atlantique. « Le tiers payant ? C’est la mort de la médecine libérale; autant se fonctionnariser...» estime aussi Lucien, un médecin de famille de 44 ans qui exerce dans le bordelais. «C'est vraiment dommage que la ministre n'entende pas que ce tiers payant généralisé n'est pas acceptable. Sinon tout se discute...» résume Emmanuelle qui exerce en région Picardie.
Un second motif est néanmoins mis en avant par une large majorité de ses confrères : le gel du C depuis quatre ans. Près des trois quarts des généralistes l’évoquent pour expliquer la grève. Comme Nelie, des Bouches du Rhône, qui se dit « scandalisée d'être rémunérée 23€ les 20 min (voire plus), moins cher que le podologue et moins cher que le coiffeur! » « Il faut être clair, soit on est spécialiste en médecine générale, soit on est officier de santé. Nous souhaitons une rémunération digne et honnête, selon le temps et la complexité clinique», réclame pour sa part Michael, jeune trentenaire de la région Languedoc-Roussillon. Le problème est que, jusque-là, le gouvernement n’a jamais montré le début d’un commencement de fléchissement en direction des médecins sur les revalorisations d’honoraires réclamées... Autant dire que la fermeté des pouvoirs publics sur ces deux points essentiels pour les généralistes augure donc peut-être d’un mouvement long et dur.
Les projets de délégation de tâches sur les paramédicaux et pharmaciens sont retenus également par 63% de nos sondés pour expliquer qu’ils soient en grève cette semaine. « Je trouve scandaleux que l'on en vienne à nous traiter comme des exécutants de la politique sanitaire,» martèle par exemple Yves, installé dans le Nord.
"Larbin traitant"...
Viennent ensuite trois autres motifs, ressentis moins massivement, mais néanmoins majoritairement par les médecins de famille : 53% s’agacent ainsi de l’encadrement accru de leurs prescriptions, sans doute ce harcèlement des caisses perçu ces derniers mois sur les IJ ou sur le « non substituable », par exemple. Ils sont autant à évoquer « les menaces sur la liberté d’installation ou la PDS », en dépit des dénégations de la ministre. De son département de la Somme, Nicole résume un sentiment partagé par nombre de confrères : « Cette grève n'a qu'un seul but : faire retirer la loi de santé et la refaire avec les médecins .»
Ils sont aussi une moitié (50%) à citer la réduction des crédits du DPC comme une raison valable pour fermer leur cabinet.
Reste un dernier motif qui était proposé par notre enquête : la fermeté du gouvernement sur l’obligation d’accessibilité des cabinets dans les trois ans. Certes, seuls 31% voient dans ces nouvelles normes une bonne raison de se mettre en grève. Mais ce chiffre est intéressant. Il permet d’approcher pour la première fois la proportion de cabinets qui ne sont pas aux normes : au minimum un tiers…
A noter enfin que seules 1% des réponses ne trouve « aucun motif valable » à cette grève. Plus qu’un indice, cela montre que, même chez les non grévistes, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes... « Jusqu'à quand nos pouvoirs publics croient-ils qu'un médecin généraliste peut indéfiniment faire de la bonne médecine avec une rémunération totalement déconnecté du coût de sa bonne pratique? » demande par exemple Louis. Ce généraliste de l’Essonne ne fermera pourtant pas son cabinet, car pour lui, « ce n'est pas le moyen de lutte adapté », mais il se dit « solidaire de ceux qui luttent et contribuerai volontiers à trouver d'autres moyens plus appropriés. »
[[asset:image:3936 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]De quoi contredire peut-être les pessimistes, qui, comme Jean-Louis à Angoulême est persuadé que « les motifs de grève sont trop disparates et que trouver une unité dans ces conditions est illusoire. » Qu’on en juge par d’autres commentaires glanés ça et là. « Les tarifs des MG, le TPG, la PDS, le DPC, les délégations de tâche, les protocoles d'entente préalable pour les statines sont autant d'humiliations faites aux médecins ... » soupire Michel depuis les Côtes d’Armor. « Depuis quelques années les élus s'évertuent à détruire les fondements de la médecine Française ! » diagnostique Evelyne, qui est installée en Charente. Ras-le-bol généralisé résumé à sa façon par Pierre: "le médecin traitant est devenu le larbin traitant", s’exclame ce généraliste du Loiret !
Suite des résultats, vendredi : les patients, ce qu’ils en disent... et ce qu’on doit leur dire…
Retrouvez les autres résultats de notre enquête :• Qui fait grève parmi les généralistes ?
Soins palliatifs : le gouvernement promet d’« intensifier les efforts » en 2025
Le CCNE invite la médecine à prendre ses responsabilités face aux vulnérabilités qu’elle crée
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents