« La mort de la médecine libérale », « un formidable exemple d'incapacité à tirer les leçons des échecs des dernières lois de santé »… À peine la stratégie de transformation du système de santé avait-elle été présentée par Emmanuel Macron que Frédéric Bizard, économiste de la santé, sortait la sulfateuse.
Dans la foulée, le Syndicat des médecins libéraux (SML) et l’Union française pour une médecine libre-Syndicat (UFML-S) exprimaient leurs craintes – d’une étatisation de la médecine libérale.
S'il ne prévoit aucune coercition à l'installation, le plan santé contient plusieurs mesures susceptibles de bousculer l'exercice des médecins de ville.
« Je veux que l'exercice isolé devienne progressivement marginal, devienne l'aberration et puisse disparaître à l'horizon de janvier 2022 », a affirmé le chef de l'État. Le gouvernement veut doter d'ici à 2022 le territoire de 1 000 Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et 2 000 structures d'exercice coordonné. La priorité est donnée aux modes de rémunération forfaitaires. La grande réforme santé du quinquennat prévoit la création en urgence de 400 postes de généralistes salariés dans les déserts et fixe l'obligation pour tous les professionnels d'être accessibles sur un site de prise de rendez-vous en ligne. Bref, beaucoup redoutent la disparition à terme de la médecine libérale qui repose sur quatre piliers : la liberté de prescription, d’installation, de choix du patient et le paiement direct à l’acte.
Le Dr Philippe Vermesch, président du SML, s'étonne que le gouvernement mise autant sur les CPTS : « Attention à l’usine à gaz !, met-il en garde. Les CPTS sont un objet intéressant si elles restent simples et à la main des libéraux. » Il regrette aussi que la priorité soit accordée à la rémunération forfaitaire qui n’a, selon lui, « pas démontré qu’elle permettait de mieux payer le médecin ».
Pas de soviétisation
Mais la médecine libérale est-elle vraiment menacée par le plan santé ?
Tout le monde n'est pas de cet avis. « Le plan santé ne change rien sur le fond par rapport aux précédentes réformes, estime Emmanuel Vigneron, historien de la santé. Les propositions ne visent pas à soviétiser la santé, mais à la responsabiliser ». La forfaitisation de la rémunération est selon lui en marche de longue date. « Si on va par là, tout rogne depuis 1930 sur la tradition du paiement à l’acte et aux honoraires libres », soupire-t-il.
Du côté des syndicats, MG France et la CSMF veulent donner sa chance à la réforme. « Qu’une part de notre rémunération soit forfaitaire ne remet pas en cause le caractère libéral », assure le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. « Nous sommes très attachés au paiement à l’acte, qui doit rester largement majoritaire, souligne quant à lui le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Néanmoins, on voit bien qu’il y a des missions, actions, prises en charge qu’on a du mal à rémunérer à l’acte. Les généralistes ont 12 à 15 % de leur chiffre d’affaires forfaitisé mais ils restent libéraux. Ce n’est pas antinomique. »
L’organisation territoriale, une nécessité
« On annonce la mort de la médecine libérale depuis bien longtemps », observe le Dr Jean-Paul Hamon. Le patron de la Fédération des médecins de France (FMF) s'inquiète de « l’obligation de se constituer en CPTS » pour bénéficier de certaines aides financières, notamment pour le recrutement d'un assistant médical.
Si la collaboration territoriale est devenue une nécessité, les syndicats rappellent que dans les faits, les praticiens libéraux travaillent déjà ensemble. « Les CPTS dépendront de ce que les libéraux en feront, assure le Dr Ortiz. S’ils s’impliquent dans l’organisation des CPTS elles seront l’équivalent d’établissements de soins ambulatoires libéraux. »
Le patron de la CSMF estime que l'avenir de la médecine libérale dépend avant tout de ce que les praticiens en feront. « Mais il est clair qu’il nous faudra être vigilants, je ne vais pas vous raconter des histoires », conclut le Dr Ortiz.
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