Sans doute parce qu’ils sont plus directement impactés par la question, l’accès aux soins de santé représente l’enjeu de société majeur pour les médecins.
D’après une enquête de Medscape*, c’est en effet l’enjeu de société le plus important pour eux à 47 %, vient ensuite le changement climatique à 27 % et plus loin derrière (8 %) les violences conjugales et intra familiales. Interrogés sur leur ressenti vis-à-vis de ces enjeux de société, la moitié des médecins décrivent de la colère (49 %) et de l’anxiété (49 %), un quart (26 %) du stress. Malgré tout en majorité (56 %), ils ne considèrent pas que ces enjeux de société ont une influence sur la pratique médicale.
Pourtant dans le détail, interrogés sur leur perception du changement climatique par exemple. 62 % estiment qu’il a un effet direct sur la santé de leurs patients.
« Je suis très frappée, dans l’exercice de ma profession, par l’effet de cette perspective apocalyptique sur la santé mentale de tous, et particulièrement des enfants et des ados qui s’angoissent pour leur avenir », témoigne ainsi une psychiatre exerçant en cabinet.
Logiquement l’enjeu de société qui impacte le plus leur pratique est celui de l’accès aux soins, avec 85 % des sondés qui ont constaté une dégradation de ce côté-là pour leurs patients depuis cinq ans. 81 % pointent également une détérioration de la qualité des soins.
Sur la question des violences domestiques, même si le sujet n’arrive qu’en troisième position des enjeux de société pour les médecins, il est pourtant assez présent dans leur pratique. Ainsi, un médecin sur quatre a déjà signalé à la police ou aux services sociaux des cas de violences conjugales subies par leurs patients. Une majorité (57 %) se déclare d’ailleurs favorable à la levée du secret médical pour assurer une meilleure protection des victimes.
Les drogues et la toxicomanie ne sont pas citées comme un des enjeux de société les plus importants par les médecins, même s’ils y sont confrontés fréquemment dans leur exercice. Ainsi 64 % des généralistes reçoivent souvent des patients consommateurs de drogues et stupéfiants. Et chez les médecins eux-mêmes, un tiers des répondants estiment que la consommation de drogue est fréquente voire très fréquente dans la profession.
Le racisme, une réalité mais pas en consultation
Sur d’autres thèmes de société, s’ils considèrent effectivement que c’est un enjeu de société, les médecins interrogés peinent à voir les implications dans leur pratique. C’est le cas par exemple avec les inégalités raciales, 71 % des médecins considèrent qu’il y a encore des inégalités raciales en France mais une courte majorité (58 %) estime que les patients ne sont pas traités différemment selon leurs origines ethniques ou leur couleur de peau et 71 % n’ont pas été témoins de discrimination raciale envers des patients.
Les commentaires des médecins interrogés montrent des opinions partagées sur la question. « Le racisme est un phénomène universel. En France je trouve qu’il est peu important », souligne un généraliste. Un autre estime qu’il « ne faudrait pas basculer vers la victimisation systématique des minorités et la discrimination positive ». Un de ses collègues évoque même « le racisme anti-blanc » « trop souvent banalisé ».
Pour les droits LGBT+ également, les médecins déclarent à 83 % ne pas avoir été témoin de discriminations envers les patients, même si une majorité (57 %) considère que les personnes LGBT+ en sont encore victimes en France. Sur la question de la dysphorie de genre et du changement de sexe, les médecins ont plus de mal à formuler une opinion. Plus de la moitié (51 %) ne se prononce pas à la question de savoir si la prise en charge actuelle est adéquate.
5 % des répondants défavorables à l’IVG
Sur les droits sexuels et reproductifs, si la majorité des Français est plutôt favorable aux dernières évolutions, les médecins se montrent plus réticents. Dans leurs commentaires, plusieurs praticiens remettent en cause l’existence même de droits reproductifs. Concernant les différentes thématiques du domaine, 45 % sont favorables à l’allongement de l’IVG voté en début d’année et 5 % sont contre l’IVG en général.
44 % des médecins interrogés sont aussi contre la GPA et 28 % sont pour mais seulement pour les cas d’infertilité.
L’enquête a également sondé les médecins sur le sujet de l’immigration, l’accès aux soins pour tous reste une valeur largement partagée par le corps médical. Trois quarts des médecins estiment ainsi que les migrants et les étrangers sans papiers doivent recevoir une prise en charge adéquate et pour 59 % les dispositifs existants liés à l’aide médicale d’État sont suffisants. Malgré tout certains commentaires sont négatifs, à l’image de ce généraliste qui considère que « trop de patients en situation illégale sur le territoire français bénéficient de soins gratuits ».
*Sondage en ligne entre le 2 juin et le 15 août 2022, auprès de 523 médecins dont 22 % sont des généralistes, 53 % des hommes et 41% ont entre 55 et 64 ans.
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