Masques, tests, préparation du pays aux crises sanitaires… Mardi, le directeur général de la Santé (DGS), le Pr Jérôme Salomon, a défendu pied à pied la stratégie des autorités devant la commission d'enquête parlementaire destinée à « tirer les leçons » de la crise du coronavirus.
« Le monde entier a été surpris par cette crise inédite, massive, brutale, mondiale », a-t-il souligné à l'Assemblée nationale, assurant qu'aucun pays ne pouvait « se targuer d'avoir été prêt et d'avoir parfaitement géré cette pandémie ». Il a néanmoins dit vouloir « tirer toutes les leçons en toute humilité », pour se préparer à une éventuelle « deuxième vague ».
Avec près de 30 000 décès provoqués par le Covid-19, la France accuse le 5e bilan le plus lourd au monde. Le spécialiste des maladies infectieuses, l'un des visages les plus en vue pendant la crise sanitaire avec ses points presse quotidiens, ouvrait le bal des auditions d'une commission qui ne sera « ni un tribunal populaire ni un feuilleton télévisé », a répété en ouverture sa présidente Brigitte Bourguignon (LREM), également présidente de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée.
Jérôme Salomon a été auditionné pendant quatre longues heures, mais n'a pas toujours répondu précisément aux questions des parlementaires. Cordial mais très prudent, le directeur général de la santé est parfois resté évasif, notamment sur la question de la gestion des masques depuis son arrivée au ministère de la Santé et du manque de protections pour les professionnels de santé.
La gestion des masques au cœur des interrogations
Beaucoup de questions ont en effet tourné autour des masques, « au cœur des interrogations de nos concitoyens et des soignants », selon Éric Ciotti, député LR des Alpes maritimes et rapporteur de la commission. Interrogé en particulier sur les recommandations formulées en mars par la DGS selon lesquelles les masques pour le grand public n'avaient « pas de sens » à être portés « pour les personnes non contaminées », le Pr Salomon a répondu : « Avant de savoir on ne sait pas. Nous avons toujours suivi les recommandations internationales », notamment de l'OMS, a-t-il assuré, accusé par Jean-Christophe Lagarde (UDI) de « mensonge d'État » à ce sujet.
Interpellé à plusieurs reprises au sujet du manque de protections pour les professionnels de santé à l'hôpital comme en ville, le Pr Jérôme Salomon s'est contenté de retracer précisément la chronologie des stocks stratégiques d'État, commandés massivement au moment de la menace de grippe H1N1 puis détruits en partie après un audit de 2017 ayant conclu au mauvais état d'une majorité d'entre eux.
Une commande de 100 millions de masques est alors passée fin 2018 par l'ex-ministre Agnès Buzyn et Santé publique France, avec décision d'évoluer « vers un stock dynamique, tournant », plutôt qu'un stock massif « dormant » et ceci afin d'éviter que l'ensemble du stock d'Etat « ne périme d’un coup ».
« Nous avons suivi les recommandations »
Mais avec l'irruption de la pandémie en France, les besoins pour les soignants rien qu'à l'hôpital ont augmenté brutalement passant de « 3 à 5 millions par semaine à 40 voire 50 millions », alors que tous les pays voyaient aussi leurs besoins augmenter et que le principal pays producteur, la Chine, voyait son économie paralysée, a-t-il souligné.
Concernant les tests, il a défendu l'arrêt du dépistage systématique le 14 mars au profit d'une « surveillance syndromique » et d'un diagnostic basé sur les symptômes, expliquant que cela ne changeait rien à la prise en charge des patients. Selon lui, l'invitation de l'OMS le 16 mars à « tester chaque cas suspect de Covid » visait plutôt les pays « qui n'avaient pas accès aux tests » à ce moment-là.
Jérôme Salomon a par ailleurs assuré qu'« aucune décision nationale » n'avait été prise concernant l'hospitalisation des résidents d'Ehpad atteints de coronavirus, mais qu'il s'était toujours agi d'une « démarche individuelle des équipes médicales ».
Il a aussi affirmé avoir promu une « culture de la prévention, de l'anticipation et de la gestion des risques » depuis son arrivée au ministère en janvier 2018.
Six mois d'auditions
La commission entend ce mercredi l'ancien patron de Santé publique France François Bourdillon et Geneviève Chêne, qui lui a succédé en novembre. Suivra, jeudi, Jean-François Delfraissy, le président du conseil scientifique puis viendra ensuite le tour de deux anciens directeurs généraux, des scientifiques, dont le controversé professeur marseillais Didier Raoult, et des politiques, après le second tour des élections municipales, avec Agnès Buzyn, ex-ministre de la Santé, et plusieurs de ses prédécesseurs.
Installée pour six mois, cette commission entend « faire en sorte que notre pays soit mieux armé pour faire face à une crise sanitaire de cette ampleur » à l'avenir, selon Brigitte Bourguignon.
Les 32 députés devraient également aborder le manque de production en Europe de médicaments et d'équipements de protection, alors qu'Emmanuel Macron a lui-même évoqué mardi lors d'une visite sur un site de Sanofi, « la dépendance de la France pour certains produits ».
Le Sénat a aussi prévu sa commission d'enquête, à la fin du mois.
Ces investigations politiques cohabiteront avec la vaste enquête préliminaire ouverte mardi par le parquet de Paris, visant notamment les chefs d' « homicides involontaires » ou de « mise en danger de la vie d'autrui ».
(Avec AFP)
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