« Les médecins sont les experts du savoir. Nous patients sommes les experts du vivre-avec. J’ai trente ans de maladie derrière moi. Qui mieux que moi peut parler du vivre avec ? », explique Éric Balez (association François Aupetit, http://www.afa.asso.fr/) atteint depuis l’âge de 14 ans d’une rectocolite hémorragique. Il a eu trois cancers. Il explique avoir subi traitements et opérations. Après l’opération de son deuxième cancer, il prend conscience qu’il lui faut réagir. Formé par l’infirmière, il décide de se prendre en charge pour changer lui-même ses sondes. Il a pour cela à disposition son « mini-bloc opératoire ». Dans sa démarche d’autonomisation, il s’aperçoit lors d’un incident de sonde que les professionnels de santé de l’hôpital où il se retrouve ne sont pas forcément prêts à le laisser se prendre en charge tout seul.
Se former à l’écoute
Éric Balez va plus loin en mettant à la disposition des autres patients atteints par la même maladie que lui son savoir et son expérience. Après un article paru dans la presse où il est interviewé, il reçoit de nombreux coups de fil de patients. Il se rend alors compte qu’il est en mesure de se former à l’écoute. La formation qu’il reçoit auprès de l’association Aupetit dure quatre jours. Elle contient des mises en situation, des jeux de rôles, etc. Ces patients formés deviennent des patients ressources qui sont à même d’écouter les malades dans leur département. Le fait de rencontrer ces patients expérimentés et formés et qui ont déjà subi une stromie rassure les personnes qui doivent subir ce type d’opération.
Par la suite, le patient ressource peut devenir expert ou intervenant grâce à une autre formation de 40 heures d’éducation thérapeutique, au même titre que les soignants. Des associations sont missionnées pour développer ce volet formation au titre de l’ETP et à celui des patients ressources. À noter, seuls 8 à 10 % des malades entrent en contact avec les associations.
Parcours de vie
Autre témoignage, celui de Catherine Cerisey, patiente qui a été atteinte d’un cancer du sein en 2000, puis a rechuté en 2002. Elle a ouvert un blog http://catherinecerisey.com/ dédié à sa maladie en 2009, qui compte aujourd’hui 1 400 000 vues depuis sa création. Quels sites peuvent aider les patients sur Internet ? On trouve « tout et n’importe quoi ». Catherine Cerisey recense les sites institutionnels (HAS, sociétés savantes, Inca, etc.), associatifs, encyclopédiques, de santé, d’associations de patients, de presse spécialisée et grand public, les industriels de la santé, les réseaux sociaux.
« Avant d’être un parcours de santé, il s’agit d’un parcours de vie, parce que c’est un accident de vie », explique-t-elle. Au-delà d’une simple consultation sur Internet, le patient recherche un établissement ou un professionnel de santé sur le web. Ensuite vient la consultation, avec le diagnostic et le protocole administré. « Le patient ne comprend pas toujours ce que lui raconte le médecin », explique-t-elle. En conséquence, il retourne surfer pour comprendre ce que signifie par exemple ACR5 lors d’une mammographie.
D’après Catherine Cerisey, le patient souhaite faire un choix éclairé, c’est-à-dire le choix médical partagé entre le patient et le médecin. Il peut avoir besoin d’informations lors de la rémission de son cancer, ainsi que dans la période post-traitement pour reprendre le travail par exemple. Selon elle, le e-patient connecté n’est pas un expert entre guillemets. D’après la définition donnée par le Dr Tom Ferguson en 2003, le e-patient est équipé, capable, « empowered », engagé dans ses propres soins. En résumé, selon Isabelle Cerisey, Internet sert à s’orienter, à s’informer, à partager, recouper les informations, et au final à en parler à son médecin.
Se former pour devenir un interlocuteur
Mais à quoi sert la formation en tant que patient expert ? Selon Giovanna Marsico, fondatrice de la plateforme Cancer contribution, http://www.cancercontribution.fr/, elle permet d’acquérir des compétences qui servent à devenir un interlocuteur direct avec les autres acteurs de santé. En matière de cancérologie, de tels dispositifs ont été mis en place récemment. La Ligue contre le cancer a développé des formations patients-ressources. L’École française de cancérologie au sein d’Unicancer dispensera une formation pilote « patients partenaires » à l’Institut Gustave-Roussy à partir de janvier 2016. Enfin, l’Institut de la démocratie sanitaire lancé le 9 mai dernier par la ministre Marisol Touraine a reçu le soutien du CISS, de la FHF et de l’EHESP**. D’autres outils sont proposés par des associations de patients quelle que soit leur taille et leurs missions.
Adoucir le parcours
Et en quoi les associations sont-elles vraiment utiles aux patients ? Pour Françoise Sellin http://www.collectifk.fr/, l’expérience des associations sert aux patients à éviter les nombreux écueils connus lors de la maladie. Malgré le choc que représente le diagnostic de la maladie, elles aident à rendre le parcours du patient plus doux. Elles ont aussi un rôle majeur pour autonomiser le patient, ainsi que porter des revendications auprès des pouvoirs publics.
Reste à savoir si tous les points proposés dans le programme de l’Institut pour la démocratie en santé créé en mai 2015 seront bien traités. L’avenir nous le dira.(http://leciss.org/espace-presse/actualit%C3%A9s/creation-institut-pour-…)
** Collectif interassociatif sur la santé, Fédération hospitalière de France, École des hautes études en santé publique.
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