Masques : Bertrand nie être responsable du changement de doctrine et défend les médecins

Publié le 04/07/2020

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L'ancien ministre de la Santé Xavier Bertrand a refusé jeudi d'endosser la responsabilité du « changement de doctrine » qui a abouti à l'évaporation des stocks stratégiques d'Etat de masques de protection, au coeur des questions de la commission d'enquête sur la gestion de la crise du coronavirus.

L'avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) de juillet 2011, souvent évoqué depuis que la pénurie des masques a surgi dans le débat public, « ne nous amène pas en quoi que ce soit à revoir notre doctrine par rapport au nombre de masques à commander », a-t-il affirmé devant les députés. 

Il a daté le vrai changement de stratégie à mai 2013, après son départ du ministère, avec la définition d'une « nouvelle doctrine » par le SGDSN, un service dépendant du Premier ministre.

« A chacun de payer ses masques », à partir de mai 2013

« Le moment où il est établi que c'est à chacun de payer ses masques, c'est en mai 2013. (...) A partir de cette date, vous avez un délitement de responsabilité et le ver est dans le fruit », a-t-il estimé.

Xavier Bertrand a occupé une première fois le poste de ministre de la Santé entre 2005 et 2007, période pendant laquelle il élabore le premier plan de préparation du pays au risque de pandémie grippale, demande la constitution de stocks de masques et crée l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), aujourd'hui absorbé par l'agence sanitaire Santé publique France.

Lorsqu'il reprend le portefeuille en 2010, succédant à Roselyne Bachelot qui avait eu à gérer la crise de la grippe A(H1N1), le « sentiment » dominant était « qu'on en avait fait trop », « que tout ça coûtait trop cher » et qu'il était « peut-être le moment de faire des économies », a-t-il rappelé.

L'actuel président de la région Hauts-de-France assure toutefois que ce changement d'« ambiance » n'a pas modifié sa priorité donnée à la prévention des risques sanitaires.

Logiques financières et court-termistes

En juillet 2011, le HCSP recommande « la constitution d'un stock tournant » de masques, reconstitué régulièrement, plutôt que d'un stock dormant, et préconise de réserver les masques FFP2, plus protecteurs, aux professionnels « directement exposés à un risque élevé » (personnels de santé en contact direct avec des cas suspects, mais aussi ceux qui travaillent en laboratoire, dans les services de secours, de ramassage et de traitement des déchets, ou les salariés des filières avicoles et porcines).

Concernant les FFP2, qui disparaîtront progressivement des stocks d'Etat dans les années suivantes, « on ne dit pas qu'il n'en faut plus, on ne dit pas qu'il en faut moins », mais des « logiques financières, comptables et court-termistes » se sont imposées après son départ, s'est défendu Xavier Bertrand.

L'avis du HCSP est suivi d'une circulaire en novembre 2011, qui distingue les stocks stratégiques centralisés par l'Etat des « moyens tactiques », sous la responsabilité de chaque établissement de santé.

Mais cette circulaire ne fait pas figurer les masques dans les moyens tactiques et ceux-ci « resteront dans les stocks stratégiques », a assuré l'ancien ministre.

En revanche, tout change selon lui avec la « doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire », publiée en mai 2013 par le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), organe qui dépend du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault à l'époque.

Protéger les médecins, un devoir régalien 

« Il revient à chaque employeur de déterminer l'opportunité de constituer des stocks de masques pour protéger son personnel », stipule ce document, qui s'applique aussi aux établissements hospitaliers.

« C'est le début de la fin, parce qu'à partir de ce moment-là : qui va s'assurer que tout le monde est bien au courant qu'il doit se doter lui-même de ses masques? La grande distribution, qu'est-ce qui a été fait pour leur indiquer "Vous devez avoir des masques"? Les professionnels de santé libéraux : qui le fait? », s'est interrogé Xavier Bertrand.

A cette occasion, Xavier Bertrand s'est démarqué de Roselyne Bachelot, à qui il a succédé avenue de Ségur, qui avait reproché mercredi aux médecins libéraux de ne s'être pas procuré des masques en prévision d'une épidémie. « Les professionnels de santé sont le bras armé de l'Etat et ceux qui nous protègent doivent être protégés par l'Etat », qu'ils exercent à l'hôpital ou en libéral, a affirmé l'ex-ministre.

Avec AFP


Source : lequotidiendumedecin.fr