Le rapport publié en mars 2022 pointe trois écueils rencontrés pendant la crise sanitaire actuelle. Quels sont-ils ?
Dr Jeanne Erard : Nous nous sommes rendu compte que les professionnels de santé ont été abreuvés de nombreux messages, pas forcément dans des formats adaptés et venant d’une multiplicité d’acteurs, officiels ou non. Les messages étaient trop longs et beaucoup trop nombreux. J’exerçais en France lors de la crise au moment de la première vague. Au début, je lisais les DGS-Urgent et après je n’avais plus le temps de les lire et je ne savais pas ce que ça allait m’apporter. Je tiens à noter que l’ARS m’a beaucoup aidé avec des algorithmes de prise en charge. Finalement, il y avait trop d’informations, pas forcément bien explicitées. Les DGS-Urgent étaient souvent des pavés avec plein de choses qui ne nous concernaient pas en tant que médecin généraliste. Ils n’ont pas su adapter leur discours aux professionnels de santé qu’ils voulaient cibler. Et parfois, le message n’était pas forcément fiable. Il y avait une information et le lendemain une autre.
Vous citez les DGS-Urgent. Ils ont été une source d’information pour 50,8 % des personnes interrogées, devant les autres canaux. Que préconisez-vous pour améliorer cet outil ?
Dr J.E. : Il faut moderniser et sanctuariser les DGS-Urgent. Les formats doivent varier pour arriver à mieux cibler la communication aux différentes catégories de professionnels de santé et à la zone géographique. Je trouve ça très important. On ne va pas donner les mêmes informations aux aides-soignants, aux infirmiers, aux généralistes, aux cardiologues… car ils ne vont pas utiliser les mêmes informations. Il faut un tronc commun mais après il faut que ce soit spécialisé en fonction des professionnels. De même pour la zone géographique. Nous l’avons vu pendant le Covid, au début l’Est de la France a été touché, puis après l’Aquitaine… Il faut que la communication soit adaptée à la zone géographique. Mais ce n’est pas si facile que ça à mettre en œuvre.
La mission préconise dix recommandations autour de deux axes : former et anticiper ; diffuser et partager. Quelles sont celles qui concernent plus particulièrement les médecins généralistes ?
Dr J.E. : Il y a effectivement des recommandations qui sont bien plus spécifiques aux médecins généralistes. Il y a notamment celle sur le DGS-Urgent, car ils les reçoivent. En dehors des DGS-Urgent, nous avons proposé une newsletter pour informer les professionnels de santé de façon régulière avec des messages clés, courts et clairs, au jour le jour. Avec un tronc commun pour tous les professionnels de santé. Par ailleurs, la notion entre les médecins généralistes et les CPTS est primordiale. Il faut créer un réseau avec les CPTS et les élus locaux, mais aussi l’hôpital. On l’a vu pendant la crise. De belles choses se sont mises en place. C’est une chose qui est ressortie énormément pendant les interviews (160 entretiens ont été menés et un questionnaire a permis de recueillir les avis de 654 professionnels de santé, ndlr), le besoin d’avoir une vraie relation de terrain entre médecins et infirmiers, aides-soignants… Nous devons apprendre à travailler ensemble. Un autre point concerne la recertification (la mesure 5 concerne l’inscription de la gestion de crise sanitaire dans le processus de “recertification”, ndlr). Nous avons aussi proposé de mettre en place une application à l’image de Tous anti Covid, spécifique aux professionnels de santé et adaptée à chacun pour envoyer des informations. Et les professionnels de santé doivent pouvoir faire remonter les informations du terrain qui soient prises en compte pour réadapter le message.
Beaucoup de recommandations se basent sur des outils informatiques. Avez-vous pris en compte les différents types d’utilisation des professionnels de santé ?
Dr J.E. : Tout à fait. Nous nous sommes rendu compte que tous les professionnels de santé n’utilisent pas de la même façon les réseaux sociaux, les mails… Il est donc pertinent de communiquer avec des outils différents. On peut notamment proposer des petites vidéos pour certains, d’autres préfèrent les algorithmes, d’autres les pavés de lecture… Il faut que la communication soit omnicanale pour toucher le plus de professionnels de santé dans l’urgence, mais avec une seule source et un comité d’experts qui donne le la.
Les 10 recommandations du rapport Delpech – Vibert
- Développer des formats de contenus en adéquation avec l’attente des différentes catégories de professionnels de santé ;
- formaliser le partenariat avec des plateformes de contenu pour la création et la validation de formations “Flash” ;
- favoriser le développement de formations en mode Peer-to-PeerS ;
- disposer d’un pool d’experts prêts à intervenir ;
- investir dans des algorithmes de Push de contenu ;
- centraliser l’ensemble des contenus sur une plateforme d’hébergement sécurisée ;
- déclencher une stratégie de diffusion omnicanale pour atteindre un maximum de professionnels de santé de manière ciblée et sécurisée ;
- intégrer les territoires et les élus locaux ;
- créer une Newsletter quotidienne destinée aux professionnels de santé ;
- moderniser et sanctuariser les DGS-Urgent.
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