La bête immonde bouge encore. Minotaure des temps modernes, on l'a accusée de voler, de violer des femmes endormies et de mentir. Elle doit mourir. En aficionados avertis, Hemingway, Mérimée, Bataille ou Picasso auraient aimé regarder le spectacle de la mise à mort de medicotoro.
Tout a commencé il y a quelques mois : on a préparé les foules. L'animal se nourrit de la misère humaine et de la maladie ; il dépasse les limites de l'enclos qu'on lui a, par une convention pluridécennale éculée, imposé. Et l'idée s'est répandue Urbi et Orbi que l'animal est dangereux, fourbe, malhonnête et viscéralement attaché à la liberté. Il doit disparaître.
La foule est réunie. On lui a promis que demain, le spectacle sera gratuit, comme le sera aussi la viande de l'animal qui la nourrira et que l'on regarde, avec délectation, entrer dans l'arène sur le sable doux avide de sang.
On peut apercevoir dans les gradins d'autres animaux de la même espèce, plus dociles peut-être parce que nourris à la ganadería d'État qui a les faveurs de l'empresa ; des journalistes spécialisés ; 35 responsables politiques exactement qui diront s'il faut laisser vivre ou achever le monstre ; la foule des anonymes heureux du cadeau qu'on leur promet ; une association représentant ces mêmes anonymes et qui leur explique que c'est la mort de quelques-uns pour le bien-être de tous les autres ; quelques novices qu'effraie la rage de leur aîné qui sort du toril et s'avance sur le sable de l'arène, tremblant de colère et de peur, tournant sur lui-même cherchant du regard d'où viendra le coup mortel.
Calme et déterminé, Marisolo entouré de sa cuadrilla, paré de ses habits de lumière, tremendiste inexpérimenté mais néanmoins habile, tremble un peu. C'est son premier combat. Certains même l'ont vu pleurer. Mais rien ne l'arrêtera. Pas même 20 ou 30 ou 40 000 combattants pacifiques arborant bannières chamarrées et porte-voix harangueurs, venus crier leur colère, échappés de leurs enclos le temps d'un dimanche.
Paseo, on joue avec la bête, on s'amuse, on l'étourdit de capes et d'esquives, on lui promet un avenir, un virage ambulatoire ; on lui dit qu'il est un animal essentiel et incontournable du monde qui l'entoure. De citar en capotazo, on le distrait ; il se croit en novillada, il est en corrida. Il se croit landais, il est madrilène : pas le même enjeu, pas la même chute.
Suerte de varas : Manuel le piquero est venu soutenir Marisolo. Il entre dans l'arène sous les huées de la foule, castroreño et chaquetilla étincelants au soleil d'avril. Premier sang, première blessure profonde ; la pique fait son œuvre. Blessée à la nuque, l'infâme créature ne redressera plus la tête. Cisslick, le lourd cheval caparaçonné comme un playmobil aux yeux bandés recule à peine sous les coups de boutoir. Il sert Manuel, le maître qu'il porte, celui qui le nourrit. Il est aveugle au danger. Il pense au cuir tanné du Minotaure avec lequel on fabriquera demain les sacs à main des bourgeoises ibériques.
Les bannières et autres ballons gonflés à l’hélium de mars sont un lointain souvenir. C'est l'heure des banderilles et des peones. L'animal souffre. Pas un instant de répit. Al cuarteo, d'agiles banderilleros le taquinent et transpercent son dos ensanglanté d'aiguillons dérisoires qui le font bondir et meugler de rage et de douleur.
À l'instar de Marie Sara en son temps, Consuelo (Notre-Dame-du-bon-Conseil ) Dormonza la bien nommée conseillère de Marisolo le matador entre en scène, égérie inspirée ; on aperçoit l'épée sous la muleta ; elle ne cache rien de sa haine de Medicotoro ni ses intentions. Elle annonce la mort prochaine et inéluctable. Elle dit que c'est une bonne chose ; que Medicotoro doit se soumettre à la volonté de celui qui le nourrit, fût-ce par la force et la contrainte, sans négociation.
Les clarines retentissent annonçant la faena. Sol y sombra, droite ou gauche, personne ne bouge. Le silence est assourdissant. D'où viendra la salut ?
Déjà, Marisolo s'approche pour porter l'estocade. Medicotoro est prostré. La foule silencieuse. Que faire ? Encorner ce matador arrogant dans un sursaut salutaire de dignité et de survie? Laisser faire et disparaître à tout jamais ?
L'avenir n'est pas encore écrit. Medico bravo ? Medico manso ? 2017, c'est demain...
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