Après l'avis définitif « défavorable » au maintien du remboursement des médicaments homéopathiques rendu vendredi par la Haute autorité de Santé (HAS), il appartient désormais à Agnès Buzyn de décider si elle entend procéder ou non au déremboursement (partiel ou total) de l'homéopathie aujourd'hui pris en charge à 30 % par l'Assurance maladie.
Alors qu'elle avait répété à plusieurs reprises qu'elle suivrait l'avis de la HAS, la ministre de la Santé a indiqué la semaine passée que sa décision pouvait attendre.
Selon Les Échos, ce délai n'est pas « seulement lié à la gestion de la canicule », comme l'avait expliqué la ministre de la Santé. « L'affaire a pris une tournure politique, et Emmanuel Macron lui-même y est sensible, écrivait dimanche le quotidien. Le chef de l'État aurait demandé des éléments d'appréciation complémentaires. »
Mardi, interrogée à l'Assemblée, Agnès Buzyn a finalement annoncé qu’elle se prononcerait dans les « prochains jours ». En attendant, pros et antis homéopathie tentent jusqu’au bout d’influer sur cette décision.
Des élus soucieux du maintien de l'emploi
Le collectif Fakemed a réclamé une « décision claire et rapide allant dans le sens de l’avis de l’HAS » de la part d’Agnès Buzyn. Un vœu que l’association a réitéré dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron et à la ministre de la Santé, parue lundi dans « L’Opinion ». Lundi, le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) a exhorté le gouvernement à avoir le courage de dérembourser.
De leur côté, les défenseurs de l'homéopathie jouent leur va-tout afin de maintenir le remboursement des granules, mettant en avant l’impact sur l’emploi que pourrait avoir un déremboursement. Dès vendredi, les laboratoires Boiron, Lehning et Weleda ont demandé au gouvernement de « ne pas suivre » l'avis de la HAS et à ouvrir un « débat parlementaire, suivi d'un débat public ».
Sous l'impulsion du collectif Monhoméomonchoix, dont la pétition a recueilli plus d'un million de signatures, des rassemblements se sont tenus vendredi dans plusieurs villes de France et des élus de poids se sont positionnés en faveur du maintien du remboursement. Parmi eux, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez, le maire de Lyon Gérard Collomb (le siège de Boiron est en région lyonnaise), ainsi que Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France (où Boiron a un site). Blandine Brocard, députée LREM du Rhône, s’est aussi mobilisée contre le déremboursement.
Plus d’un million de personnes ont signé la pétition contre le déremboursement de l’#homéopathie : donnez la parole aux patients ! #MonHomeoMonChoix pic.twitter.com/ymPqJMFQUn
— Xavier Bertrand (@xavierbertrand) 28 juin 2019
Ce matin j’ai reçu une délégation composée de médecins, de pharmaciens, de sages-femmes, de représentants et organisations syndicales de l’Entreprise #Boiron. pic.twitter.com/x8V4bxbvJZ
— Gérard Collomb (@gerardcollomb) 28 juin 2019
Après l’avis de @HAS_sante, je redis mon inquiétude : c’est toute une filière d’excellence qui est menacée, ce sont de nombreux patients attachés à l’#homeopathie qu’on prive de choisir.
— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) 28 juin 2019
Thomas Mesnier convaincu qu’Agnès Buzyn suivra la HAS
Mercredi, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a expliqué sur BFMTV et RMC qu’« une balance [devait] être réalisée entre (...) ce qu'on sait scientifiquement de l'apport de l'homéopathie, des questions évidemment économiques, puisque derrière il y a des emplois, forcément, mais aussi (le) bien-être de la population française ». Selon elle, le gouvernement « est en train d'instruire » l'avis de la HAS, « y compris en interministérielle ».
Contacté par Le Généraliste, le député LREM de Charente, le Dr Thomas Mesnier — favorable au déremboursement des granules — se dit « convaincu qu’Agnès Buzyn suivra l’avis de la HAS », précisant avoir échangé sur le sujet avec la ministre à plusieurs reprises. « Elle a déjà fait preuve de son courage pour porter certaines réformes, comme l’obligation vaccinale (…) Je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle ira au bout en déremboursant », confie-t-il. « Ce qui caractérise cette majorité depuis deux ans c’est de faire des propositions dont on sait qu’elles vont dans le bon sens, poursuit le député urgentiste. Même si on sait qu’elles ne sont pas forcément faciles à mettre en œuvre, avec parfois de l’opposition. »
Député LREM du Rhône, le Pr Jean-Louis Touraine affirme ne pas avoir été contacté par les laboratoires Boiron. Joint par Le Généraliste, ce médecin qui confie n'être « ni pro, ni anti-granules » estime que la « volonté personnelle » de la ministre est de dérembourser les médicaments homéopathiques. « Elle a elle-même présidé la HAS. Ce n’est pas un hasard si elle lui a demandé de formuler un avis », observe l'élu. Mais il souligne qu'Agnès Buzyn est une « ministre très disciplinée, qui obéit aux directives de Matignon et de l’Élysée » et qu'elle fera donc « en fonction de ce qui lui sera indiqué ».
« S'il y a une Haute autorité de santé, s'il y a des scientifiques qui regardent si les médicaments sont bons ou ne sont pas bons, il faut suivre cette Haute autorité de santé », a estimé, quant à lui, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin jeudi matin sur RTL. « Je serai évidemment solidaire de la décision de la ministre de la Santé, mais il me semble que s'il y a une Haute autorité de santé, c'est pour suivre ses avis », a-t-il ajouté.
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