Certains médecins ne manquent pas d'humour et n'hésitent pas à en faire usage pour la bonne cause. À l'heure où les fake news pullulent sur le web et où les données de la science sont sans cesse contestées, en particulier en cette période de pandémie de Covid-19, quatre compères ont décidé de tester le sérieux de revues scientifiques. Mathieu Rebeaud, biochimiste, le Dr Valentin Ruggeri, médecin scintigraphiste, Florian Cauvin, philosophe et le Dr Michaël Rochoy, médecin généraliste dans le Pas-de-Calais, se sont ainsi lancé le défi de faire publier une fausse étude sur les bienfaits de l’hydroxychloroquine pour lutter… contre les accidents de trottinette. Absurde ! Mais visiblement pas impossible.
Aussi loufoque que l’intitulé de leurs travaux puisse paraître, les quatre plaisantins ont réussi leur pari et l’étude parodique a été publiée mi-août (avant d’être dépubliée, 24 heures plus tard) dans l’obscure revue Asian Journal of Medicine and Health, que les auteurs du canular qualifient de « prédatrice » et dont le siège est basé en Inde. « L’idée était de "troller" les auteurs d’une précédente étude sur le bénéfice de l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 parue en juillet dans la même revue », explique le généraliste de la bande, le Dr Rochoy. Parmi les auteurs de l’étude controversée en question, critiquée notamment pour sa méthodologie, figuraient entre autres la députée et psychiatre Martine Wonner, le Dr Thierry Lardenois, président de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) et l’endocrinologue Violaine Guérin, tous membres du collectif Laissons les médecins prescrire. En guise de clin d’œil, Mathieu Rebeaud, Valentin Ruggeri, Florian Cauvin et Michaël Rochoy ont d’ailleurs baptisé leur propre collectif « Laissons les vendeurs de trottinettes prescrire ».
Didier Lembrouille et Nemo Macron parmi les auteurs
Mais la plaisanterie ne s’arrête pas là. De nombreuses références toutes aussi hilarantes les unes que les autres ont été glissées dans le texte, sans toutefois compromettre sa publication. Le nom des auteurs a tout d’abord été modifié. On y retrouve Sylvano Trottinetta, Didier Lembrouille (célèbre personnage joué par Antoine de Caunes dans l’émission Nulle part ailleurs sur Canal+) ou encore l’animal de compagnie de l’Élysée, « Nemo Macron ». Il fallait oser. À l’heure de la relecture par les éditeurs – car il y aurait bien eu trois relectures –, les bêtises s’enchaînent et se multiplient, et les annotations envoyées sont dignes d’un sketch. Par exemple, les auteurs précisent avoir travaillé dans la ville de Montcuq, en référence au fameux canular de Daniel Prévost, et vont même jusqu’à préciser que la rédaction s’est faite sur des chaises de marque Ikea. Pour couronner le tout, la somme à régler par les auteurs ne manque pas non plus de faire sourire : une réduction de 89 % fait passer la facture de 500 à 55 dollars. Une aubaine.
Malgré l’absurdité du document, les auteurs ont réussi leur coup : démontrer le manque de sérieux de l’Asian Journal of Medicine and Health et des revues prédatrices en général. Sur son blog, le Dr Michaël Rochoy conclut : « Ces revues acceptent et publient n’importe quoi. Un article publié n’est pas un gage de vérité. Violaine Guérin, Martine Wonner et leur bande ont fait preuve soit de naïveté (avec d’autres publications acceptées par le passé, c’est une option peu crédible), soit de malhonnêteté. La question est ouverte. En conclusion : ne laissons pas les auteurs malhonnêtes raconter n’importe quoi, n’importe où. »
Une tribune contre la fraude scientifique
Les auteurs du canular ne sont pas les seuls à dénoncer les dérives de certaines publications scientifiques. Dans une tribune intitulée « Halte à la fraude scientifique » parue ce mercredi dans le journal Libération, médecins, sociétés savantes et associations dénoncent les procédures de relecture trop hâtives de certaines revues mais aussi le manque de sérieux de chercheurs « surmédiatisés » ou encore la « remise en cause des essais contrôlés randomisés ». Parmi les signataires figurent le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) ainsi que plusieurs médecins généralistes : le Dr Isabelle Cibois-Honorat, présidente du conseil scientifique du CMGF, le Dr Francis Abramovici, président de l’Unaformec, le Dr Matthieu Calafiore, directeur du DUMG de Lille ou le Dr Christian Lehmann, généraliste et écrivain.
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