Comme vous le savez, l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable, responsable de 49 000 décès par an. Un adulte français sur dix est en difficulté vis-à-vis de l’alcool avec une consommation quotidienne. Il est donc fréquent que les médecins soient sollicités pour prendre en charge ces patients.
Les outils thérapeutiques médicamenteux sont limités à la fois en nombre et en efficacité. Outre le baclofène dont l’avenir en alcoologie sera tranché dans les mois à venir, le disulfiram, l’acamprosate, le naltrexone et le nalfémène complètent la thérapeutique autorisée. Le nalméfène, arrivé sur le marché en 2014 et facilement accessible à la prescription, est indiqué pour réduire la consommation d’alcool chez les adultes ayant une dépendance à l’alcool avec une consommation d’alcool à risque élevé (> 60 g/jour chez les hommes et > 40 g/jour chez les femmes). Il est prescrit chez des personnes ne présentant pas de symptômes physiques de sevrage et ne nécessitant pas un sevrage immédiat.
Nous souhaitons ici attirer votre attention sur la phase d’initiation du traitement. Durant les derniers mois, plusieurs patients ont été admis aux urgences pour syndrome de sevrage brutal aux opioïdes après une première prise de nalméfène. En effet, le nalméfène étant un modulateur du système opioïde, il est donc contre-indiqué avec les médicaments opioïdes dont les traitements de substitution (méthadone et buprénorphine). Même si l’interaction est connue, celle-ci échappe parfois aux professionnels de santé.
Quelles sont les conditions de ce cocktail détonnant ? En premier lieu, le cloisonnement des prescriptions par les patients eux-mêmes qui ne déclarent souvent pas la prise d’un traitement de substitution aux opiacés à leur médecin traitant, celui-ci étant parfois prescrit et délivré en centre d’addictologie. Le pharmacien ne bloque pas la dispensation puisqu’il ignore également la prise d’opioïdes.
Parfois, les deux spécialités sont prescrites par le même médecin traitant qui ne dispose pas d’un système d’alerte d’interactions médicamenteuses efficient ou lors de prescriptions manuscrites, et la dispensation n’est pas non plus bloquée par le pharmacien, dernier maillon de sécurité. Ce cas de figure laisse penser que l’interaction est mal connue des professionnels de santé et doit être rappelée.
Ces cas rares ne sont toutefois pas isolés puisqu’entre août 2015 et 2016, 43 cas de sevrages ont été déclarés en Pharmacovigilance dont 29 graves. Les médicaments opioïdes rapportés sont en grande majorité la méthadone (23 cas) et la buprénorphine (15). On note aussi un cas avec du lopéramide et 8 situations d’automédication. En 2017, une cinquantaine de cas ont été déclarés mais l’analyse approfondie n’a pas encore été publiée.
En conclusion, pour éviter un incident iatrogène de sevrage, chaque prescription et dispensation de nalméfène doit être accompagnée d’une mise en garde préventive concernant la contre-indication entre nalméfène et tous les opioïdes.
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