Un sévère portail de fer, un vieux bâtiment peu engageant, mais à l'intérieur : des locaux lumineux et repeints de frais de la première salle de consommation à moindre risque (SCMR), inaugurée ce mardi 11 octobre par la ministre des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine. Cette salle « représente une avancée majeure pour la santé publique dans notre pays, une réponse innovante et courageuse à une situation d’urgence sanitaire », a déclaré Marisol Touraine. La France devient ainsi le 10e pays à ouvrir une SCMR.
Gérés par l'association Gaïa, les locaux de 450 m2 sont adossés à l'hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement, à proximité d'une « scène ouverte » très fréquentée par les toxicomanes parisiens les plus précarisés. Les consommateurs pourront se rendre dans les lieux le mercredi 11 octobre pour une journée portes ouvertes, et les premières consultations auront lieu « dès la semaine prochaine », confirme au « Quotidien » un des membres de l'association présent lors de l'association.
Les consommateurs entrent dans un hall ouvert sur l'extérieur. Un dossier d'inclusion est rapidement monté, puis l'utilisateur est mené aux 12 postes de consommation. « Une fois qu'ils ont consommé, ils ont 15-20 minutes devant eux, qu'ils peuvent passer dans l'espace de repos, précise le Dr Jean-Pierre Lhomme président de l'association Gaïa. Ils peuvent bénéficier d'une petite collation et consulter l'assistante sociale ou le médecin, des orientations qu'ils peuvent avoir vis-à-vis des drogues. » Des TROD VIH et VHB sont également systématiquement proposés, mais pas imposés de même qu'une possibilité d'accès privilégié à un fibroscan.
Une organisation de l'espace innovante
Cette organisation est innovante, comparé à ce qui se fait dans d'autres pays, comme le confirme Cédric Charvet, coordinateur des locaux de consommation à Amsterdam, et représentant de l’International Network of Drug Consumption Room. « L'espace est très bien pensé, car il permet aux clients de s’isoler s’ils ont des problèmes à s’injecter, explique-t-il. C'est la première fois que je vois une salle de repos qui permet de ne pas se retrouver dans le froid immédiatement après avoir consommé. Il est également bénéfique que la salle dispose d'un hall afin d’évaluer les comportements et limiter le stress qui est dangereux pour la sensibilisation aux risques. »
L'accueil des utilisateurs se fait de 13 h 30 à 20 heures, 7 jours sur 7 et toute l'année. « C'est une tranche horaire inhérente aux habitudes des consommateurs », explique le Dr Lhomme. Elle comprend en permanence un éducateur, un infirmier et un temps plein médical réparti entre deux médecins à mi-temps.
L'association pense recevoir entre 300 et 400 visiteurs par jour. Ces projections sont basées sur les données fournies par les distributeurs de seringues installés à proximité des stations de la gare du Nord (163 522 en 2015), de Barbès-Rochechouart (48 438) et de la gare de l'Est (14 602) et Poissonnière (12 464). De tels chiffres ne seront atteints qu'après une phase d'observation et d'appropriation du lieu par les usagers du 10e arrondissement.
En raison de « l'absence de réponse de la région » que regrette le Dr Lhomme, la salle a bénéficié d'un financement de 850 000 euros de la part de la mairie de Paris pour la remise en état et à l'aménagement des locaux. Le fonctionnement de la salle est financé à hauteur d'1,2 million par an par la Sécurité sociale via les ARS. Une dizaine d'équivalents temps plein sont mobilisés pour assurer le bon fonctionnement de la salle. « Environ deux tiers de ceux qui y travailleront sont issus de notre CAARUD (centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) et les autres ont été recrutés pour l'occasion », détaille le Dr Lhomme.
La fin d'une longue attente
« Alors ça y est, elle est enfin ouverte ? On viendra dès demain ! », se réjouit un habitué du CAARUD alors que les visiteurs officiels sont partis. « Il y a une grande attente dans la communauté des usagers de drogues qui ont été très déçus du premier projet avorté en 2013 », explique Le Dr Lhomme. Il était en effet prévu d'installer la salle au 39, boulevard de la Chapelle, mais l'idée avait été abandonnée face à la forte opposition des riverains.
Dans la zone occupée par la salle de consommation, il se consomme « un peu de cocaïne et d'héroïne et surtout des médicaments détournés : Skenan et Subutex, détaille le Dr Lhomme. Cela nous amène à travailler sur les risques spécifiques liés à ces produits. »
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