La transformation du délit d'usage illicite de stupéfiant en peine passible d'une amende forfaitaire (au lieu de la peine actuelle d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende) n'est pas considérée par tout le monde comme une atténuation de la sévérité de la réponse pénale de la France à l'encontre des utilisateurs de cannabis.
C'est ce qui ressort des auditions de la mission parlementaire chargée d'évaluer l'impact de cette mesure phare de la réforme de la politique pénale promise par le président de la République, Emmanuel Macron. Parmi les personnalités entendues, le Dr Nicolas Prisse, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), a réaffirmé que « la forfaitisation dans un cadre contraventionnelle avec une amende forfaitaire de 5e classe reste une option possible et intéressante ».
Plus réservée, Ivana Obradovic, directrice adjointe de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), met quant à elle en garde contre le risque « d’une réponse standardisée » qui « ignore les caractéristiques individuelles de l’usager. » Christine Lazergues, présidente de la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), dénonce de son côté une « très mauvaise idée ».
1,2 million d'heures d'interpellation
La contraventionnalisation « présente l’intérêt de supprimer la peine de prison, d’homogénéiser et de simplifier la réponse des forces de l’ordre tout en maintenant l’interdit de la consommation, argumente Nicolas Prisse. La réponse pénale actuelle n’est pas adaptée et consomme 1,2 million d’heures de travail des forces de l’ordre. » Il plaide en faveur d’une modernisation de la réponse « à replacer dans une politique plus globale de prévention, de repérage et de prise en charge. »
Pour Ivana Obradovic, la pertinence de la mesure dépendra de l’objectif qui lui sera donné : « standardiser la réponse au contentieux de masse ayant pour motif le cannabis ou s’articuler avec le système sanitaire ? » Elle note que la « standardisation » et la « systématisation » d'une contravention suppriment tous recours aux alternatives à la poursuite pénale, et notamment la possibilité d'orientation vers une filière de soin.
Les différents intervenants s’accordent toutefois sur la nécessaire suppression des peines d’emprisonnement. Pour Julien Morel D'Arleux, directeur de l'OFDT et ancien membre de la direction de l’administration pénitentiaire, « l’augmentation des saisies de cannabis dans les établissements pénitentiaires montre que l'incarcération pour usage de stupéfiant ne dissuade pas de consommer. »
Le paradoxe français
La politique pénale de la France se singularise par un paradoxe : « une politique pénale parmi les plus sévères, et des niveaux de consommations parmi les plus hauts d’Europe, détaille Vanna Obradovic. « La politique française a plus tendance à s’attaquer à la demande plutôt qu’à l’offre », ajoute-t-elle. Chaque année, près de 200 000 interpellations pour usage de drogue ont lieu dans notre pays, un chiffre en augmentation, avec un taux de réponse pénale qui a dépassé les 90 %. « Sur 1 000 habitants de plus de 15 ans, 3 seront interpellés dans l’année pour un usage de stupéfiant », résume Ivana Obradovic.
Le scénario de la contraventionnalisation constituerait « une réponse minimale au constat d'échec absolu de la réponse pénale à l'usage de stupéfiant », affirme pour sa part Christine Lazergues. Elle rappelle le caractère discriminatoire de la réponse pénale : « Ne sont poursuivies et condamnées que certaines catégories de la population. Jamais un membre du monde du spectacle ou un lycéen de Henri IV n'est condamné », détaille-t-elle.
Pour autant, la CNCDH n'est pas favorable à une amende forfaitaire qui « bloque la voie à toute orientation vers une filière de soin ». Elle propose d'autres scénarios : décriminalisation de l'usage de cannabis et contraventionnalisation de l'usage d'autres stupéfiants.
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