Ni un moyen d'arrêter le tabac, ni une porte d'entrée… Mais que représente donc la cigarette électronique chez les jeunes ?
« Les adolescents ont un comportement très différent de celui des adultes vis-à-vis de la cigarette électronique », explique Stanislas Spilka, responsable du pôle Enquêtes et analyses statistiques de l'observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et co responsable du projet PETAL financé par la Ligue contre le cancer. Le programme d'études sur le tabagisme des adolescents en vue de sa limitation (PETAL) est né de la collaboration entre l'OFDT, les unités INSERM de Paris Descartes-Paris Sud et de Sorbonne Université et l’Institut de Recherche pour le Développement. Le but de ce travail est d'évaluer l'impact des politiques de lutte contre le tabagisme à l’égard des adolescents et jeunes adultes.
Grands expérimentateurs, mais pas réguliers
Selon les données les plus récentes de PETAL, le vapotage a été expérimenté par la moitié des adolescents de 17 ans (52 %), soit presque autant que la cigarette (59 % d'expérimentation). Pour autant, les adolescents n'en font que très rarement un usage régulier : c'est le cas de seulement 2 % d'entre eux.
Autre observation importante : les usagers réguliers de cigarette électronique font partie des bataillons des plus gros fumeurs, consommant environ 10 cigarettes par jour. Ainsi, seulement 7,7 % des utilisateurs de cigarette électronique, se déclarent non consommateur de tabac, et dans 62,6 % des cas, les vapoteurs, sont aussi des fumeurs réguliers. Ces jeunes de 17 ans ont-ils vu dans la cigarette électronique un premier pas vers le tabagisme ? « Nos données ne renforcent pas cette hypothèse : pour l'instant la grande majorité des fumeurs ont commencé par la cigarette classique », répond Stanislas Spilka, qui met toutefois en garde contre « le manque de recul » vis-à-vis de la cigarette électronique qui n'a été introduite dans le questionnaire d'ESCAPAD qu'en 2014.
Depuis 20 ans, les éditions successives de l'étude ESCAPAD montrent une baisse régulière de la consommation de tabac chez les adolescents, un recul de l'age de la première cigarette (14,6 ans en 2002, 15,1 en 2017), et une réduction du délai entre la première expérimentation et la consommation régulière. Les jeunes qui avaient 17 ans en 2017 constituent la première génération à avoir connu un tabac interdit à la vente aux mineurs dès leur entrée dans l'adolescence (l'interdiction totale de vente au mineur est entrée en vigueur en 2009). Pour les chercheurs il faudra aussi attendre une génération d'adolescents ayant connu la cigarette électronique dès leur entrée dans l'adolescence, pour espérer dresser des conclusions plus solides sur sa véritable place dans la variété de produits illicites (la vente de cigarette électronique est interdite aux mineurs depuis mars 2014).
Aux États-Unis, la FDA n'a pas attendu de disposer d'un tel recul pour prendre le problème à bras-le-corps, menaçant d'amendes par courrier 1 300 points de ventes accusés de vendre illégalement des cigarettes électroniques à des mineurs. L'agence américaine a également pris des mesures contre les produits pour cigarette électronique dont le packaging ou le marketing fait référence à des produits alimentaires pour enfant, et envisage de durcir le ton envers les fabricants qui ne feraient pas assez d'efforts de prévention à destination des jeunes.
Pas un moyen de sevrage
« On a vu l’e-cigarette se développer chez les adultes comme un moyen d'arrêter ou de réduire leur consommation de tabac, mais ce n'est pas ce qui est observé chez les jeunes, puisque les consommateurs réguliers sont aussi les plus gros fumeurs », poursuit Stanislas Spilka. Pour quelle raison ? « Peut-être parce que la cigarette électronique est un moyen de fumer plus discrètement dans les lieux où c'est interdit, avance le statisticien. Il faut aussi se rappeler qu'il s'agit d'un âge où l'on n’essaye pas encore d'arrêter de fumer. » L'OFDT mène en ce moment un travail complémentaire qui interrogera plus en détail la place de la cigarette électronique dans les modes de consommation des adolescents.
Les données du projet PETAL indiquent que l'usage de la cigarette électronique est plus fréquent chez les garçons, puisque le fait d'être un homme est associé à un surrisque de 39 % d'être un usager régulier. « C'est une observation intéressante dans la mesure où le tabac est justement le seul produit illicite dont l'usage est relativement comparable entre garçons et filles », commente Stanislas Spilka. Les autres facteurs associés à un surrisque d'utilisation régulière de cigarette électronique sont un redoublement au cours de la scolarité, avoir expérimenté la chicha, la consommation d'alcool plusieurs fois dans le mois, ou l'expérimentation de cannabis.
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