Victimes de mesures visant à les éloigner des centres-villes, les usagers de drogue en grande précarité sont dans des situations de plus en plus difficiles, selon les conclusions basées sur le dispositif Tendances récentes et nouvelles drogues (TREND) de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et parues dans « Tendances ».
En 2019, l'observatoire a réalisé une série d'observations de terrain qui vont toute dans le même sens : le renforcement des dispositifs et des actions visant, de manière plus ou moins volontaire et directe, à éloigner les usagers de drogue des centres-villes. Les auteurs évoquent notamment les arrêtés anti-mendicité et « anti-bivouac », les interdictions de consommation d’alcool sur la voie publique ou de posséder plus de deux chiens. Par ailleurs, les opérations de délogement régulièrement menées par la police et les nombreuses expulsions d’appartements squattés (souvent liées à des opérations de rénovation urbaine) ont privé de nombreux usagers d’un minimum de confort.
Un impact sanitaire direct, en particulier pour les sans-abri
« Dispositifs municipaux et actions policières continuent de déplacer les usagers de certaines zones des centres-villes vers leur périphérie, ce qui tend, entre autres conséquences, à limiter leur maîtrise de leur environnement de consommation et à aggraver leurs conditions de vie et leur état sanitaire », considèrent les auteurs.
Parmi les profils d’usagers en grande précarité documentés les années précédentes, les groupes de jeunes (16-25 ans) sans-abri ont plus particulièrement fait l’objet d’observations en 2019, notamment à Aix-Marseille et Lyon où ils sont plus nombreux et plus visibles.
Ces usagers sans-abri, parfois rejoints par des étudiants ou des travailleurs pauvres, ont été exposés à des risques sanitaires accrus en 2019, en premier lieu ceux découlant des consommations chroniques d’alcool ou d'injections répétées, comme des abcès qui dégénèrent parfois en septicémie, à Bordeaux et Lille notamment. Des problèmes dentaires (déchaussement, parodontie, par exemple) sont particulièrement signalés par des soignants lyonnais. Des troubles liés aux consommations de cocaïne basée (décompensations psychiatriques, épuisement physique général, etc.) sont également rapportés par l’ensemble des sites impliqués dans le dispositif Trend.
Les campements de fortune plus nombreux
Dans certains territoires semi-ruraux, en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) ou en banlieue bordelaise, les « campements de fortune » (faits de tentes, de cabanes ou de voitures) sont plus nombreux en 2019 et comportent jusqu’à plusieurs centaines de personnes, dont des jeunes, des familles et des personnes âgées. Dans ces lieux de vie dont le nombre augmente, l'OFDT fait état de consommation d’alcool, de cannabis, de benzodiazépines, voire de Skenan (un opioïde).
« Le nord-est parisien a été marqué par les déplacements d’usagers de crack à la suite de l’évacuation de la "colline du crack", cite en exemple l'OFDT. À Marseille, les observateurs du dispositif TREND font également part de déplacements plus fréquents entre le centre et la périphérie nord de l’agglomération où se situent les lieux d’approvisionnement et de consommation. »
La « colline du crack » est un haut lieu de la consommation et de la vente de crack à Paris. En 2019, jusqu’à 200 personnes se rendaient chaque jour sur ce talus niché entre deux bretelles d’accès au périphérique, et une trentaine de personnes y résidait de façon permanente. Régulièrement évacuée par les forces de l’ordre, la colline a fait l'objet d'une attention toute particulière en 2019, année où a eu lieu une évacuation durable qui a « suscité l’incompréhension de nombreux intervenants socio-sanitaires qui pointent ses conséquences particulièrement problématiques », selon les auteurs. En effet, cette expulsion a eu lieu une semaine avant l’ouverture, à proximité immédiate et prévue depuis plusieurs mois, d’un espace de repos et d’accompagnement social destiné aux consommateurs de crack.
Conséquence : la fréquentation de ce nouvel espace est restée très limitée, notamment car un important dispositif policier a été mis en place pour empêcher tout réinvestissement de la colline. Cette évacuation a par ailleurs engendré des déplacements du trafic et des consommations vers d’autres sites du nord-est parisien.
Des lieux de consommation en hausse
Le constat est le même à Rennes, Marseille ou Lille : les usagers ne fréquentent plus les centres-villes ou ils pouvaient se laver et dormir, et concentrent leur journée entre les centres commerciaux pour la mendicité et les lieux de deal. Dans certains cas, comme à Lille, « des gens mettent leur tente au CHU, parce que c’est le spot où tu vas avoir ta came, ta coke […]. Les gens vont s’approvisionner à Y [lieu de deal à proximité du CHU] et font la manche aux caisses du X [magasin à proximité du CHU] », témoigne un responsable de centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) cité dans la revue « Tendances ».
À Marseille et à Aix-en Provence, observateurs et intervenants en réduction des risques et des dommages signalent davantage de lieux de consommation ainsi qu’une hausse des quantités de matériel ramassé (seringues, kitbase, boîtes de médicaments, fioles de méthadone).
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